Vendredi 11 février 1881 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (et son époux Marcel de Fréville) (Paris)

original de la lettre 1881-02-11 pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-02-11 pages 2-3.jpg


Vendredi 11 février 1881.

Mes chers Enfants. j’ai à remercier ma chère Marie pour les bonnes lettres qu’elle m’adresse & qui toutes me donnent d’excellentes nouvelles de vous tous ce qui pour un père est tout ce qu’il peut désirer ici-bas. Du reste d’ici les nouvelles des santés ne laissent rien à désirer, au Moulin[1] l’on va tout à fait bien car malgré pluie & vent bon-papa vient régulièrement nous voir & bonne-maman ne néglige pas non plus sa petite Hélène[2] qui elle ne sort pas beaucoup par ces mauvais temps, les parents[3] sont un peu trop craintifs & à mon avis elle est trop dans les capuchons & les flanelles, aussi pour un rien elle prend des rhumes qui très heureusement ne sont pas sérieux. Aussi ton Robert[4] car je continue à me refuser à l’idée d’une Jeanne, je dis Robert va être un autre gaillard que l’eau froide n’effrayera pas & qui ne craindra pas de montrer ses petits mollets à la neige étonnée, ce sera un nouveau Spartiate peu parisien. Tu as bien raison 3 semaines sont bien vite derrière nous & nous saurons.
Je ne suis pas, comme tu le vois, de l’avis de Marcel[5] pour ce qui est de sa fille aînée, c’est l’année des garçons & il nous faut un bon soldat pour ne pas dire un bon industriel, ne craignant pas la lutte sentant sa force & sa volonté.

De particulier il n’y a rien au Vieux-Thann. Les Henriet[6] ont fait une vente de leurs vieux meubles & les voilà s’installant à Neuf-Brisach, mais je crains beaucoup pour la santé de Mme qui change beaucoup & pour elle cette obligation de quitter sa Maison a été excessivement pénible, quant au père H. j’ai eu occasion de mieux le connaître dans toutes ces pénibles circonstances & ce n’est pas à son avantage. C’est une triste nature ! & sa fille G.[7] parfaitement à l’unisson du père.
J’ai eu la visite de Jeanne B.[8] qui est charmante ; ce malheur lui donne du sérieux & de l’expérience, son mari est bien avec elle.

Les Zurcher[9] vont créer une affaire d’impression dans les Vosges au grand désespoir des indienneurs du pays. l’industrie vosgienne met 5 millions à leur disposition, pour l’Alsace c’est une grosse & malheureuse affaire. mais cela ne nous touche pas dans notre industrie.

Pour Marcel ce petit bout de Journal s’il peut aider les Bobé[10], 140 rue Saint-Martin à obtenir un modeste débit : tu sais que je m’intéresse à ces Dames, il m’obligerait bien, quoique le plus difficile soit fait pour elles, elles n’ont plus besoin de mon aide, leur école prospère, ils peuvent se suffire & peut-être que plus tard Lina trouvera à se bien marier. elle le mériterait bien car elle n’a pas craint sa peine & a mis une persévérance & un courage que j’ai toujours admirés. Mais la Mère n’a absolument rien pour vivre que sa pension de environ 900 F & une maladie chronique qui l’empêche de travailler les ¾ de l’année. & c’est une Alsacienne.

Mme Stackler[11] a adressé à son fils[12] un wagon de ses meubles & elle va quitter l’un de ces jours pour l’installer dans son ménage & son officine de Docteur.
Mme Ruppé[13] a eu la douleur de perdre son mari en enfance (79 ans). j’étais à son enterrement hier matin.
te voici au fait des quelques événements d’ici, il me reste bien peu de place pour vous embrasser tous deux & te dire que je suis continuellement avec toi

ton père              ChsMff


Notes

  1. Au Moulin vivent les grands-parents de Marie (Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril).
  2. Hélène Duméril.
  3. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.
  4. Marie accouchera le 19 mars d’une petite Jeanne de Fréville.
  5. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  6. Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig.
  7. Gabrielle Henriet.
  8. Jeanne Henriet, épouse de Paul Baudry.
  9. Léopold Zurcher.
  10. Marguerite Madeleine Wiss, veuve de Louis Bobé, et ses filles Eugénie Frédérique et Lina Bobé.
  11. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  12. Henri Stackler, médecin à Paris.
  13. Madeleine Steinmann, veuve de Joseph Ruppé.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 11 février 1881 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (et son époux Marcel de Fréville) (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_11_f%C3%A9vrier_1881_(B)&oldid=35722 (accédée le 21 novembre 2024).

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