Jeudi 11 et vendredi 12 août 1870

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1870-08-11 page1.jpg original de la lettre 1870-08-11 pages2-3.jpg


Paris 11 Août 70

Jeudi soir.

Rien de nouveau encore aujourd'hui du théâtre de la guerre. Nous ne savons rien sur le pays occupé par l'ennemi. J'espère que notre village n'a pas été foulé. Je me rassure en m'appuyant sur ta prudence, ton calme, Mon cher Ami, tu as bien fait de prévenir tes pompiers, car vouloir se défendre isolément c'est vouloir tout perdre, et un seul coup de fusil suffit pour faire sacrifier un village. Il faut donner. Après comme après. Il me semble que de Belfort la banque aurait pu vous envoyer de quoi payer vos ouvriers ? c'est à dire vous le cherchant.

Quelle crise tu traverses, Ami chéri, et seul ; voilà ce pauvre oncle[1] souffrant, j'espère que son indisposition ne va pas durer. Remercie-le pour sa bonne lettre d'hier. Le service se fait parfaitement entre Thann et Paris, je ne vois pas le pourquoi qui empêche la même exactitude dans l'autre sens. Encore un bon petit mot de Julien[2] à maman[3] d'hier 4 h toujours bonne disposition et de l'entrain dans les mobiles, malgré les <mauvaises> nouvelles qu'ils savent maintenant.

Les décisions de la chambre vous sont connues par les journaux.

Que je suis préoccupée de toi mon Charles bien-aimé, mais chacun a son devoir... Dieu aidera.

Nos petites[4] vont très bien, et sont bien gentilles, tout le monde les entoure de caresses, maman, Aglaé[5] qu'elles aiment tant ; Alfred[6] se fait câliner par elles, enfin sois tranquille, elles ne souffrent pas, ce qui n'empêche pas qu'elles pensent beaucoup au bon père chéri, embrassent tes lettres et te feront fête au retour. Bonsoir, Ami, j'avais si chaud que je t'écris en très simple déshabillé aussi je vais me fourrer au lit encore un bon baiser.

Vendredi 1 h

Depuis ce matin j'attends les nouvelles pour t'écrire, mais rien. L'emprunt d'un milliard hier et la levée la plus étendue possible. Nous allons tous bien, et Paris est très tranquille malgré le troubles des esprits.

Alphonse[7] vient me proposer de l'accompagner à la chambre, il a 2 billets, j'accepte j'espère que tu ne désapprouveras pas. J'allais aller chez l'oncle Mertzdorff[8], c'est remis.

Nos fillettes ont des cerceaux petit Jean[9] est avec elles et elles vont jouer au jardin.

Je lis les journaux et fais peu de chose, quand on pense à tout ce qui attend notre pays on se sent troublé jusque dans le fond.

Mais je te le répète le moral est encore bon courage. Je n'ai pas encore de lettre aujourd'hui

Mille amitiés et baisers comme je serai si heureuse de te les donner

ta petite femme

Nie


Notes

  1. Georges Heuchel.
  2. Julien Desnoyers.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Marie et Emilie Mertzdorff.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  6. Alfred Desnoyers.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Frédéric Mertzdorff.
  9. Jean Dumas.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 11 et vendredi 12 août 1870. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_11_et_vendredi_12_ao%C3%BBt_1870&oldid=39779 (accédée le 28 avril 2024).

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