Samedi 8 et dimanche 9 août 1868 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1868-08-08A pages 1-4.jpg original de la lettre 1868-08-08A pages 2-3.jpg


Villers sur Mer

8 Août 68

Samedi soir 10h

Décidément tu es l’homme fort, il n’en faut plus douter. Je ne puis, mon cher Charles, qu’approuver la décision que tu as prise quoiqu’elle retarde le moment où nous serons ensemble. Comme toi, va, chéri, j’ai le temps long et je ne m’amuse que médiocrement, tu sais bien que sans toi, il ne peut pas y avoir pour moi de plaisir. Mais j’espère que nous ne regretterons pas ce moment de séparation et que nos chères petites filles[1] auront puisé, dans ce mois de bord de mer, une bonne provision de santé. Elles vont parfaitement, Mimi engraisse et Founi a une bonne mine qui réjouit les yeux. L’oncle Alphonse[2] ne pouvait les regarder sans rire cette après-midi tant elles ont l’air heureux et bien portant. Je crois qu’au retour il faudra de suite les remettre au travail pour éviter l’ennui car le changement sera brusque. Tiens, ça se trouve bien que ce ne soit qu’au Vieux-Thann qu’elles aient le bonheur de t’embrasser. Pour moi sois tranquille je suis toujours ta petite Nie et les voyages ne me feront que trouver encore meilleure notre vie paisible. Emilie voudrait bien t’écrire : « Viens mon petit père, viens, viens ! » mais elle n’a que le temps de jouer.

Je vais écrire à Maman[3] que tu ne viens pas et que je lui arriverai Jeudi soir (par le train de jour) et que je repartirai le Mardi soir 18, à moins de contre-ordre de ta part. Aglaé restera en arrière.

Merci pour les commissions à Thérèse[4], dis-lui bien que je m’en rapporte à elle, et qu’elle fasse pour tout comme elle en a l’habitude.

Pour la femme de chambre[5], il était convenu qu’elle rentrerait le 12 chez nous, cela suffit ; elle pouvait rester chez sa tante jusque-là, Thérèse lui indiquera ce qu’elle doit faire jusqu’à mon arrivée.

Je crains que tu ne sois incommodé par l’odeur de l’essence, tu me ferais plaisir de faire faire ton lit dans une des chambres au second.

Tu as raison de commencer de suite ta saison de Wattwiller, il est grand temps. Tu sais c’est dans l’armoire de ton cabinet de toilette que tu trouveras sur les draps, les peignoirs de bain.

Fais tous mes compliments à tante Georges[6] au sujet des succès de son petit-fils[7], il va faire honte par sa science à nos petits moricauds.

Julien[8] n’est pas venu. Alphonse pensait bien qu’il resterait avec maman.

La mer est très belle ce soir, il y a des vagues phosphorescentes, si tu étais là je prendrais ton bras pour aller admirer mais il est trop loin et je ne puis que te répéter combien je t’aime, te remercier encore pour tes bonnes lettres qui me font tant de plaisir et te souhaiter une bonne nuit, tout mon monde dort.

Encore un bon bec de ta petite femme.

Eugénie M.

Nos voisines sont de bonnes femmes que nous ne voyons, ni n’entendons, mais ce soir elles attendent les maris et bavardent tant qu’elles peuvent.

Dimanche 9h

Nous rentrons tous de l’Église et avant d’aller nous installer sur la Plage je veux te dire un petit bonjour ; Sais que jamais nous n’avons été si longtemps séparés, ni même des enfants ; J’aurais voulu que tu visses leur mine ce matin en dormant, elles étaient comme des petites pommes.

Une lettre de maman nous dit qu’elle ne va pas plus mal et allant à Montmorency. Julien ne vient décidément pas, il était encore pas entrain.

M. et Mme Lafisse[9] viennent décidément Demain.

Mardi nous ferons avec eux une promenade en voiture, Cabourg &&. Mercredi mes paquets et Jeudi je pars pour Paris. Si je manquais une fois de t’écrire, tu ne m’en voudrais pas, tu vois comme mes journées vont être prises.

Mille bons baisers pour toi cher Ami, comme ceux que tes petites filles et < > serons si heureuses de te donner bientôt.

Réponds-moi au sujet salle d’asile ?


Notes

  1. Marie (Mimi) et Émilie (Founi) Mertzdorff.
  2. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  5. Victoire, pressentie pour travailler chez les Mertzdorff.
  6. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  7. Jules Heuchel.
  8. Julien Desnoyers, frère d’Eugénie.
  9. Claude Louis Lafisse et son épouse Constance Prévost.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 8 et dimanche 9 août 1868 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_8_et_dimanche_9_ao%C3%BBt_1868_(A)&oldid=60071 (accédée le 13 octobre 2024).

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