Samedi 6 mai 1843
Lettre de Auguste Duméril (Paris) à son cousin germain Henri Delaroche (Le Havre)
Paris 6 Mai 1843
Mon cher Henri
L’intimité de nos anciens rapports d’enfance, ayant resserré les liens d’amitié qu’il est si naturel de voir exister entre deux cousins germains fils d’un frère et d’une sœur[1] qui se sont toujours tendrement aimés, t’ont donné le désir de me faire, à cette époque importante de ma vie[2], un cadeau qui fût comme un témoignage de cette affection.
Lorsque j’ai appris tes intentions à cet égard par Elise[3], j’en ai été très reconnaissant et ce sera avec très grand plaisir que je recevrai cette marque de souvenir de ta part. J’ai su en même temps que tu étais embarrassé sur le choix de ce présent et tu as bien voulu nous laisser la liberté du choix. J’ai beaucoup hésité, puis ayant appris que tu avais songé à un bureau, j’ai pensé, ce meuble ne m’étant pas réellement nécessaire, qu’il pourrait être remplacé par un autre meuble qui le serait davantage, en ce qu’il pourrait me servir à moi et à Eugénie, et qui pouvant être placé dans la chambre à coucher[4], servirait à l’orner. J’ai donc été hier avec mon père[5] chez Lemarchand[6], ébéniste dont on s’est souvent servi dans ta famille et qui fait de très beaux et bons meubles, et là nous avons vu de beaux secrétaires, mais surtout de très belles commodes, dont le tiroir supérieur formant secrétaire, sont d’un usage très agréable, servant à double fin, cela orne d’ailleurs mieux un appartement qu’un secrétaire et la tablette de marbre peut servir pour déposer. Sachant que tu désirais que la chose soit bien faite, nous n’avons vu que les meubles les plus soignés, mais aussi les prix sont fort élevés, car une commande de ce genre coûte 300 à 350 F. Si cela dépassait le prix que tu comptes y mettre, je pourrais en choisir une moins ornée que celles qu’on nous a montrées. Puisque tu m’as laissé la liberté du choix, je te dis tout franchement ce que j’ai fait à cet égard ; tu désirais que ton cadeau me servît personnellement, mais je crois me rapprocher de tes intentions en te parlant d’une commode secrétaire, car je m’en servirai aussi, surtout en hiver, lorsqu’il n’y aura de feu que dans la chambre à coucher. Ce qui fait que je tiens moins à un bureau, c’est que j’en ai déjà un dans ma chambre et un autre dans la bibliothèque où je me tiens assez souvent. Quant à un ouvrage de prix dont tu avais parlé, je suis trop près de la riche bibliothèque du Muséum pour ne pas trouver dommage de mettre autant d’argent à quelque livre qu’il pourrait m’être facile de m’y procurer. Et puis notre bibliothèque est aussi très riche par elle-même.
Te voici donc bien au courant de mes hésitations mais si tu approuves mon idée tu vois que tu remplirais parfaitement ton but qui est de me faire un cadeau tout à la fois beau et utile. Reçois de nouveau mes biens sincères remerciements d’avoir ainsi songé à moi. Tu comprends que ce n’est pas sans une certaine émotion mais qui est mêlée de beaucoup de joie que je vois arriver le 15 mai qui sera, j’en ai l’intime conviction une date que je me rappellerai toujours avec bonheur.
Adieu, mon cher Henri, trouve ici le témoignage bien senti de ma sincère affection.
Tout à toi de cœur.
A. Aug. Duméril.
Notes
- ↑ Henri est le fils de Michel Delaroche, et Auguste celui d’Alphonsine, sœur de Michel Delaroche.
- ↑ Auguste Duméril épouse sa cousine germaine Eugénie le 15 mai 1843.
- ↑ Pauline Elise, sœur d’Henri Delaroche, épouse de Charles Latham.
- ↑ Auguste Duméril et son épouse Eugénie vont vivre au Jardin des Plantes avec les parents Duméril (voir les adresses des Duméril).
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ Lemarchand est fabricant de meubles, 17 rue des Tournelles (d’après l’Annuaire général du commerce, de l’industrie et de l’agriculture).
Notice bibliographique
D’après une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Auguste Duméril à M. Henri Delaroche (suite), 4ème volume, p. 973-975
Pour citer cette page
« Samedi 6 mai 1843. Lettre de Auguste Duméril (Paris) à son cousin germain Henri Delaroche (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_6_mai_1843&oldid=35643 (accédée le 21 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.