Samedi 5 novembre 1870 (D)

De Une correspondance familiale

Lettre de Jeanne Target, avec quelques mots de son époux Jules Desnoyers (Paris), à leur fille Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1870-11-05 D page1.jpg original de la lettre 1870-11-05 D pages2-3.jpg


Paris, le[1] 5 Novembre 1870

Ma chère et bien aimée fille,

Le besoin de recevoir de tes nouvelles se fait sentir ici d'une manière si violente que presque tout nous paraît indifférent devant cette privation. nous sommes au 48ème jour de siège ; tout ce long temps s'est passé sans souffrances, sans maladie, sans privations physiques. <Pour> qui aime son pays on <ne> peut pas en dire autant du moral, l'avenir nous est encore inconnu.

On nous étreint dans de doubles réseaux ; nous sommes parfaitement fortifiés et pleins de courage ; les tentatives de discorde que les Pyat[2], Flourens[3] et compagnie ont tâché de faire éclater <pour> nous, n'ont fait que mieux montrer l'accord des habitants de Paris pour l'ordre et la volonté de résister à l'ennemi. Les votes ont donné gain de cause au gouvernement de la défense nationale à une majorité <immense>[4]. Sois tranquille à ce point de vue. Aujourd'hui on a nommé les maires[5]. Il est question d'armistice dont on fixerait la durée suffisamment longue pour pouvoir nommer les représentants. Cette armistice serait proposée par les puissances neutres. Si elle a lieu, nous aurons le bonheur de <nous revoir>

Alfred[6] et Alphonse[7] étaient de garde. Leurs 6 <tambours> m'annoncent leur retour la santé de ces francs défenseurs de la patrie est excellente. Notre moblot[8] va très bien aussi ; comme je te l'ai dit dans toutes mes précédentes lettres ce bon garçon est toujours très activement occupé comme attaché au génie militaire de son fort, ce qui l'empêche de sortir aussi souvent que ses camarades il ne s'en plaint nullement. Il est apprécié là comme partout où il se trouve.

Adieu, ma chère petite Nie. Ton papa[9], moi et tous les chers nôtres t'embrassent de tout cœur, sans oublier bien entendu notre cher Charles[10] et nos bonnes petites[11]. Mère amie A.D.

Recevez tous quatre mes chers enfants, mes plus tendres amitiés.


Notes

  1. Mention imprimée.
  2. Félix Pyat (1810-1889) qui a lancé en septembre l'idée d'une commune de Paris dans son journal Combat, est nommé membre du comité insurrectionnel de salut public par le peuple en armes, le 31 octobre (à la suite de l’annonce de la reddition de Metz) ; arrêté, Pyat est emprisonné jusqu’au 14 novembre.
  3. Durant le mois d’octobre, Gustave Flourens anime les manifestations des bataillons de Belleville et de Ménilmontant.
  4. Le 3 novembre, les électeurs parisiens décident par 558 000 voix pour (et 61 500 contre) de maintenir les pouvoirs du Gouvernement de la Défense nationale.
  5. Aux élections municipales de Paris du 5 novembre, 13 maires sur 20 sont reconduits ; 5 nouveaux sont des modérés et seuls 2 représentent les révolutionnaires.
  6. Alfred Desnoyers.
  7. Alphonse Milne-Edwards, dans la garde nationale.
  8. Julien Desnoyers, dans la garde mobile au fort d’Issy.
  9. Jules Desnoyers.
  10. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie.
  11. Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Annexe

par ballon monté12

Madame Mertzdorff

à Vieux-Thann

département du Haut-Rhin

Pour citer cette page

« Samedi 5 novembre 1870 (D). Lettre de Jeanne Target, avec quelques mots de son époux Jules Desnoyers (Paris), à leur fille Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_5_novembre_1870_(D)&oldid=35625 (accédée le 19 avril 2024).

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