Samedi 26 décembre 1914 (B)
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Camp de la Braconne)
26 Décembre
Mon cher Louis
Ta dépêche nous a fait bien grand plaisir. Tu es donc ce soir à la Braconne et te voilà artilleur. Je pense que tu es content et que le résultat des efforts de ton papa[1] n'aura pour toi que de bons côtés. Le 41e devient une succursale du foyer paternel et ce sera bien agréable pour vous d'être tous les trois ensemble.
Vraiment ton papa a fait un voyage bien utile et on peut dire qu'il a bien employé son temps. Car il a réussi à donner à Guy et à Made[2] le plaisir de passer presque 24 h ensemble. La seule chose qu'il n'ait pas réussi à faire, c'est à voir Pierre[3]. Je viens de conter tout cela à Jacques[4] et je t'en envoie la copie pour ne pas recommencer le même récit[5].
Je t'ai envoyé par la poste au reçu de ta dépêche un petit paquet contenant ton cache-nez, les lames de rasoir et des chiffons de drap pour astiquer. Une petite branche de gui en sortira et te portera bonheur ; c'est du moins l'avis des Anglais.
Je t'ai dit, n'est-ce pas, que tu vas trouver le fils Cornette qui vient de s'engager pour 4 ans. Je me demande si tu as reçu la lettre que je t'ai écrite Mardi. Je te demandais de me faire connaître la résidence du Bureau de recrutement du 84e. Il y aurait peut-être un petit espoir de retrouver par là le fils de la sœur de Pottier[6] qui s'est sauvé quelques heures avant sa mère, tandis que celle-ci ne songeait pas du tout encore à quitter le pays. Il croit sa mère au pays envahi et ne cherche pas à communiquer avec elle. Peut-être son nom paraîtra-t-il au Bureau de recrutement, car il est de la classe 16. Il y a une petite chance pour cela et il ne faut pas la négliger.
J'attends impatiemment de tes nouvelles et quelques détails sur ton installation. J'espère que tu ne coucheras pas sous la tente en arrivant : ce serait évidemment un excellent entraînement, mais il serait un peu brusque, surtout étant déjà enrhumé. Jeanne Dupont[7] t'a t-elle bien apporté le passe-montagne qu'elle faisait pour toi ? veux-tu que je t'en renvoie un ?
Ton papa a eu le temps, en quittant Limoges où il avait vu le GénéralDavignon d'aller à Angers. Il y est arrivé à 2h du matin et pensait se rendre à Quincé[8] dans la matinée, après avoir complété un peu sa nuit à l'hôtel de France. En faisant sa barbe à la fenêtre, vers 9h ½, il regarde la place de la gare et quelle n'est pas sa surprise d'apercevoir Jacques qui arrivait à Angers. Ils ont passé la journée ensemble et ton père a pu éviter le voyage de Quincé. Nous avons reçu hier une lettre de Jean[9] qui paraît plein d'entrain. Ton papa avait cherché à le voir, à défaut de Pierre, mais sa demande n'a pas été plus favorablement accueillie. L'état-major paraît furieux qu'on ait découvert où est le 1er corps et, en particulier, la résidence du Général d'armée.
Je t'embrasse tendrement, cher petit et ton père en fait autant.
Emy
Notes
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Guy Colmet Daâge et son épouse Madeleine Froissart.
- ↑ Pierre Froissart.
- ↑ Jacques Froissart.
- ↑ Voir la lettre précédente.
- ↑ Etienne Anatole Pottier, fils de Sophie Marie Pottier (sœur du régisseur Eloi Raymond Pottier) et d’Etienne Joseph Pottier.
- ↑ Jeanne Descat, épouse d’Alfred Dupont.
- ↑ Actuellement Brissac-Quincé (Maine-et-Loire).
- ↑ Jean Froissart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 26 décembre 1914 (B). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Camp de la Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_26_d%C3%A9cembre_1914_(B)&oldid=55494 (accédée le 15 novembre 2024).
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