Samedi 20 septembre 1862

De Une correspondance familiale


Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers et sa sœur Aglaé, amies de sa fille décédée (Paris)


Vieux Thann 20 7bre 1862.

Merci bien merci, ma chère et bonne enfant, pour tes bonnes lettres qui me font tant de bien car en les lisant je me dis : ma bien aimée[1] penserait et dirait ce que m'écrit sa tendre amie tant il y avait de rapports entre elles deux. Oui je dois faire des efforts, accepter cette épreuve et m'y soumettre toute affreuse, toute déchirante et toute douloureuse qu'elle soit. Des liens bien forts me retiennent encore sur cette terre où je puis être de quelque utilité à ceux qui me restent et que j'aime tant aussi. Dimanche dernier nous avons été à la ferme[2], notre petite Miky[3] en se promenant dans une prairie a dit : l'année passée nous venions ici avec petite mère je cueillais des fleurs qu'elle arrangeait en bouquets. En effet l'an dernier avant six heures, notre bien aimée partait pour la ferme avec ses enfants[4] afin de leur faire respirer le bon air du matin. Bonne chère enfant toi qui étais si bonne mère, si tendre épouse, si tendre fille, si tendre amie, que de regrets, que de douleur causés par ta perte, par ta disparition de cette maison, et de tous les endroits où tu te montrais et où tu répandais tant de bonheur et de douce joie. En m'écrivant, bonne Eugénie, tu me dis : que la volonté de Dieu soit toujours bénie, c'est mon enfant qui me parle par ta bouche et je t'écoute comme j'écoute mon mari[5] et tous ceux que j'aime. Et toi, chère Aglaé[6] qui partage avec ta sœur, ton père et ta mère[7] tous mes sentiments de profond attachement reçois aujourd'hui, ma chère enfant, les tendres vœux de ta vieille amie. Puisse le bon Dieu répandre sur toi, sur ton mari[8] toutes ses saintes bénédictions. Je t'envoie les cheveux de notre bien aimée pour que tu en fasses faire un bracelet, déjà depuis un certain temps elle conservait ceux qu'elle perdait et qu'elle avait fait réunir en mèches. Combien dans ce moment, notre bien aimée eût été plus que jamais occupée de toi et de tout ce qui est relatif à ton mariage, elle me disait souvent : Quand Eugénie, Aglaé et moi étions réunies, nous parlions toutes trois ensemble et chose singulière chacune de nous se comprenait et se devinait. Touchante et belle amitié ! jours heureux ! peut-on y penser sans attendrissement et sans une vive émotion.

Adieu mes bien chères enfants, je vous embrasse comme je vous aime et en véritable mère.

F. Duméril

Je serre dans mes bras votre mère ma tendre amie dont je partage toutes les sensations et avec laquelle je fais des vœux si ardents pour le bonheur de notre chère Aglaé.

L'excellente Mme Heuchel[9] est une sœur pour moi.


Notes

  1. Caroline, fille de Félicité, décédée le 7 juillet.
  2. Propriété de Charles Mertzdorff, à Cernay.
  3. Marie Mertzdorff, fille aînée de Caroline, âgée de 3 ans ½.
  4. Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie, née en février 1861.
  5. Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Aglaé Desnoyers, sœur d’Eugénie, se marie.
  7. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  8. Alphonse Milne-Edwards.
  9. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 20 septembre 1862. Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers et sa sœur Aglaé, amies de sa fille décédée (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_20_septembre_1862&oldid=51601 (accédée le 22 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.