Samedi 20 juillet 1918
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
20 Juillet 18
Mon cher petit Louis,
J’attends tes nouvelles avec une certaine impatience, tu le comprends puisque tu m’en as promis de fréquentes, et j’espère bien en avoir ce soir quoique les dernières me soient arrivées avant-hier. Mais il faut, je le sais, compter avec les retards de la poste. Ils sont fantastiques en ce moment avec Écuelles ; les dépêches mettent 34 heures et les lettres 48 sinon plus. Aussi les CD[1] ont-ils de la peine à sortir de la panne où les a mis la Bertha en les empêchant de partir Mardi ; leurs bagages sont à Granville et eux à Écuelles, où ils attendent je ne sais quoi. J’avais retenu pour eux un compartiment pour hier soir mais ni lettre ni dépêche ne les en a prévenus à temps, et c’est en vain que je les ai attendus.
Vous l’avez bien vite muselée, la Bertha. Depuis que vous intimidez les Boches de si belle façon, ils n’osent plus la faire entendre et Paris qui attendait des jours sombres, peut-être tragiques, se trouve dans un calme délicieux. Quel bel ouvrage vous faites là-bas ! il me semble que l’on peut t’en imputer personnellement une part et que quelques-uns des noms dont parlent les communiqués doivent t’être familiers.
A Paris aussi on fait du bon ouvrage de nettoyage intérieur, tout cela est réconfortant, cela donne courage et semble être le commencement d’une ère nouvelle. J’aime à voir ici et au front la marque de la conduite de la Providence et je me sens pleine d’espoir pour l’avenir et pour un avenir prochain.
Je suis sûre que vos succès redoublent votre entrain et que vous allez encore faire des merveilles.
Lucie[2] est bien arrivée à Bègles et installée au Bourdieu (t’ai-je donné son adresse : le Bourdieu à Bègles, Gironde). Ton papa[3] qui est resté pour l’installer ne revient pas, je l’attendais hier matin, hier soir, ce matin, rien, toujours rien. Je me figure qu’il a fait un peu l’école buissonnière et qu’il qu’il arrivera à l’improviste à une heure et peut-être par une gare que je ne puis imaginer. Il s’est bien gardé de m’indiquer une date de retour. Il y a aujourd’hui 4 semaines qu’il est parti, ton pauvre papa, croyant partir pour huit jours à peine ! On peut dire qu’il est dévoué ! vous savez, on n’en voit pas beaucoup de papas comme le vôtre !
Henri Parenty est à Evian revenu de Lituanie, bien fatigué, dit-il. Malheureusement Ginette[4] vient de partir pour la Sarthe avec ses petites infirmes, mais je pense qu’on la renverra à Neuilly pour voir son père quand il arrivera. Il doit d’abord s’arrêter chez sa belle-fille[5] qui est près de Lyon.
As-tu des nouvelles de Dagens ? je tâcherai d’avoir son adresse et de le voir quand j’irai retrouver Lucie pour la naissance[6], ce qui sera, je pense, vers le 15 Août. Elle a demandé à Pierre[7] d’être parrain. A quand ton tour ? Je t’embrasse tendrement, cher petit, je te suis de loin par mes prières et tout mon cœur est avec toi.
Emy
Tu as bien un révolver réglementaire, n’est-ce pas à défaut de l’autre[8] ?
Notes
- ↑ Guy Colmet Daâge, son épouse Madeleine Froissart et leurs fils.
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Geneviève Parenty, fille d’Henri.
- ↑ Yvonne Jaspar, veuve d’Henry Parenty.
- ↑ Naissance d’Yves Degroote le 17 août 1918.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Voir la lettre des 14-15 juillet 1918.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 20 juillet 1918. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_20_juillet_1918&oldid=53832 (accédée le 21 novembre 2024).
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