Samedi 16 août 1879

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-08-16 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-08-16 pages 2-3.jpg


Launay 16 Août 1879

Que dis-tu, mon père chéri de notre escapade dans le département de l’Orne[1] ? Moi, et tous ceux qui l’ont faite disent qu’elle a été fort amusante et si nous avions plus de temps ici et moins de pluie, je crois que chacun serait prêt à recommencer une excursion semblable. Ta bonne lettre que nous avons reçue Mercredi nous a fait bien du plaisir en nous disant que vous alliez tous bien à Vieux-Thann. Est-ce que cela ne t’ennuie pas trop d’aller si souvent à Wattwiller, car quoique l’endroit soit très beau, il n’est pas des plus gais et la course surtout est assez ennuyeuse. Ici nous allons tous très bien et nous nous amusons tant que nous pouvons, ce qui n’est pas peu dire. Hier il a plu presque toute la journée ce qui ne nous a cependant pas empêchés de tirer à l’arc. C’est toujours oncle[2] et Marie[3] qui ont les succès ; Marie tire avec une force incroyable elle envoie les flèches deux fois plus loin que nous et il lui arrive souvent de toucher le but. Quant à moi, je suis absolument nulle dans cet exercice, je ne sais si c’est par maladresse ou par manque de force dans le poignet, mais ce qu’il y a de certain c’est que je tire plus mal que tout le monde et le plus loin que j’aie envoyé mes flèches c’est 36 mètres tandis que Marie était à plus de 80. N’est-ce pas honteux moi qui me croyais bien plus forte qu’elle ! Oncle Alfred[4] est venu passer la journée d’hier avec nous, il repart ce matin même et je me dépêche de terminer ma lettre pour la lui remettre. Il n’a pas eu de chance d’arriver juste par la pluie, ce n’est pas très amusant quand on ne passe qu’un jour à la campagne. Mais nous, nous ne nous ennuyons pas plus par la pluie que par le beau temps, du reste avec oncle, je crois qu’il serait impossible de faire autrement : il nous a fait faire une grande partie de billard où je me suis, comme la dernière fois, signalée par ma maladresse.
Ce matin nous avons été nous installer au champignon et nous avons travaillé pendant que ce bon oncle nous lisait le journal d’un voyage en Suisse, rédigé par oncle lui et oncle Julien[5]. Ces lettres sont écrites d’une manière charmante, avec tant d’entrain et de gaieté ; et dans les petites taquineries que les deux voyageurs ne manquent pas de s’adresser, on voit mieux encore combien ils s’aimaient et quel plaisir ils avaient à être ensemble ; il est vrai qu’ils étaient tous deux de bien aimables compagnons de voyage.

Adieu mon père chéri, je te quitte parce qu’on réclame ma lettre mais ce n’est pas sans t’embrasser de tout mon cœur et aussi fort que je t’aime.
Ta fille Émilie

Avant huit jours nous serons ensemble, c’est bien bon et agréable de se répéter cela.


Notes

  1. Voir la lettre du 15 août.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
  4. Alfred Desnoyers.
  5. Julien Desnoyers (†).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 16 août 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_16_ao%C3%BBt_1879&oldid=35367 (accédée le 18 décembre 2024).

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