Mercredi 8 novembre 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


Fs1882-11-08-pages1-4-Charles.jpg Fs1882-11-08-pages2-3-Charles.jpg


Vieux-Thann Mercredi 8 9bre 82.[1]

Mes chers Enfants

Depuis que vous nous avez quitté j’avais mon petit secrétaire[2] qui vous tenait parfaitement au courant de tout ce qui s’est passé à Vieux-Thann & comme ma santé était je le suppose le principal sujet, vous savez que je ne vais pas mal. Je continue mon régime & trouve qu’il me réussit l’on ne peut mieux. Est-ce le beau temps que nous avons depuis votre départ ?, sont-ce les soins que je ne cesse de prendre ?

Pour sûr je me trouve surtout depuis deux jours infiniment mieux. Je mange un peu plus & avec assez d’appétit & surtout mon moral est beaucoup mieux. Je n’ai plus de ces étouffements en mangeant, le jambon cru me paraît toujours délicieux, surtout mêlé avec une autre viande peu cuite (le filet). Du reste mes repas ne varient pas & sont les mêmes que ceux que vous connaissez.

Tout le monde me fait compliment sur ma bonne mine, ce qui me confirme que réellement je vais mieux.

J’espère que ce mieux va continuer & dans ce cas le voyage à Paris ne sera pas remis.

A six heures du matin j’ai supprimé mon lait & trouve sur mon bureau un bon verre de vin sucré avec deux biscuits qui composent mon second repas. Par contre bien régulièrement je prends mon lait à 4 h.

Je t’assure que je ne saurais être mieux soigné[3], ni moi-même me surveiller davantage absolument comme un homme qui ne demande pas mieux que de vivre & bien vivre, en chassant les Noirs lorsqu’ils se présentent ;

Je n’ai qu’un regret c’est que vous m’ayez quitté lorsque j’étais moins bien & me laissais aller à broyer du Noir ; vous me verriez ce soir, vous auriez du plaisir à me voir avec mon moral remonté & un entrain qui me manquait depuis longtemps.

Je ne suis pas encore arrivé à aimer mes repas, je m’en passerais volontiers, mais au moins j’éprouve moins de dégoût grâce au Jambon salé & puis manger un peu plus de viande qu’il y a 8 jours. Si ce progrès continue & bientôt il ne sera plus question de mon mal.

J’espère que te voila, ma chère Marie, bien au courant de cet estomac qui vous a tant inquiété & m’a empêché de jouir comme je l’aurais désiré de votre séjour si court à Vieux-Thann.

Bonne-Maman[4] était un peu souffrante hier & aujourd’hui, son indisposition ordinaire, mais elle va & vient comme d’habitude & vient me voir tous les matins : chez Léon[5] l’on va bien & bon-papa[6] va tous les matins faire une assez longue promenade avec sa petite-fille[7] ; ce matin l’on était à Leimbach[8] mais aussi Hélène était-elle très fatiguée.

L’on me dit à l’instant que notre Docteur[9] est souffrant il est couché, par contre nous avons eu la visite de l’Oncle Georges[10] qui va très bien, il a le plus grand plaisir avec son portrait[11] qu’il trouve admirable.

Depuis que ma maison est vide, elle est bien tranquille sauf à la buanderie où l’on prépare une très grosse lessive. Ce sera pour la semaine.

Mes promenades se bornent au Jardin & quelquefois le long de la Rangen où il fait délicieux lorsqu’il y a un beau soleil comme nous l’avons depuis votre départ. Été de la Saint Martin.

J’ai eu occasion de passer à la photographie[12] comme votre Oncle[13] a admirablement rangé toute chose, absolument tout est à sa place. Un pauvre photographe vient de passer & je me suis laissé aller à lui prendre quelques vues de Thann & Bâle.

J’attendais M. Lehmann[14] pour entendre ses propositions, mais il n’est pas encore venu & je ne sais donc pas si je me décide à devenir propriétaire de Wattwiller. ce qui ne m’enchanterait pas.

Tu embrasseras bien Jeanne[15] & ton mari[16] pour moi & me rappelleras aux bons souvenirs de ta belle-mère[17] & belle-sœur[18]. pour toi ma chère Marie, mes meilleurs baisers

ton père

ChsMff 


Notes

  1. Lettre sur papier deuil, destinée à sa fille bien qu'il s'adresse à ses « chers enfants ».
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie, qui était auprès de son père.
  3. Charles Mertzdorff est soigné par sa bonne, Thérèse Neeff.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Léon Duméril, son épouse Marie Stackler et leurs enfants Hélène et André Duméril.
  6. Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Hélène Duméril.
  8. Leimbach, à 3 kilomètres environ de Vieux-Thann.
  9. Le docteur Louis Disqué.
  10. Georges Heuchel.
  11. Une photographie faite par Marcel de Fréville.
  12. Dans l'atelier où Marcel de Fréville avait installé son laboratoire ?
  13. Alphonse Milne-Edwards, venu lui aussi à Vieux-Thann.
  14. Charles Xavier Lehmann.
  15. Jeanne de Fréville.
  16. Marcel de Fréville.
  17. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville.
  18. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mercredi 8 novembre 1882. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_8_novembre_1882&oldid=35255 (accédée le 22 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.