Mercredi 2 novembre 1870 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à ses beaux-parents Duméril (Morschwiller)
Chers Parents.
Hier matin à 8 h nous avons entendu le canon entre le Moulin & Cernay. Prise d'armes de la Garde Nationale d'ici & Thann. sur quelques Uhlans 3 à 4 des francs-tireurs ont fait feu mais de très loin. Quelques minutes après un corps d'armée de 5 à 600 hommes s'est avancé devant Cernay & a tiré avec du le canon contre la fabrique Gros & les Maisons ouvrières voisines. Le directeur de l'usine a pu faire arrêter le feu en promettant que les francs-tireurs du voisinage décamperaient ce qui s'est fait. Du coté de Steinbach, de même quelques francs-tireurs ont été délogés par du canon ce qui a valu quelques dégâts dans le village ; entre autre le Maire[1] a un boulet qui a traversé sa maison.
Le Prussien ne s'est pas arrêté après avoir désarmé (dit-on) la gardeNationale de Cernay & Uffholtz ils se sont massés sur la route entre Cernay & la Grande route. Vers 10 h du matin ce corps d'armée que les uns disent de 6, 10 & même 15 mille hommes avec 12 canons se sont dirigés vers Belfort où l'on croit qu'ils vont aller.
Cette nuit quelques centaines de ces Allemands ont couché à Guewenheim & Sentheim.
Un voiturier arrivant d'Issenheim nous assure qu’un nouveau corps d'armée venant de Colmar va passer aujourd'hui nous devons donc nous préparer à les recevoir ici. Ce ne sera pas sans quelques malheurs.
Hier soir le Citoyen armé était encore, comme nous le connaissons ivre furieux. Il n'y a pas eu de malheur ici. Mais à Leimbach l'on a trouvé 2 morts. Je n'ai pas de détails.
Hier soir 11 h je reçois une lettre de M. Berger qui me demande une voiture pour les francs-tireurs qui nous quittent tous dit-il. Ce serait un vrai bonheur pour la localité mais je n'y crois pas. Je n'ai pas encore pu vérifier si le fait est vrai. Pas de francs-tireurs, je pense que la Gardenationale resterait tranquille.
Le Maire d'ici[2] s'étant quintuplé nous étions hier toute la journée à la mairie. M. Berger, Heuchel, Zimmermann adjoint & moi.
Je ne suis pas fâché de mon coup d'état, j'aurai au moins un peu de liberté & une immense responsabilité de partagée.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il nous manque bien quelques petites choses à la maison. Mais nous sommes bien content de savoir ces petites filles[3] loin d'ici.
Les émotions sont trop fortes même pour nous.
Vous voudrez bien les embrasser & dire à nos bonnes petites bien aimées que Maman[4] compte aller les embrasser Jeudi ou Vendredi ou Samedi & que si le Papa peut être de la partie il n'y manquera pas.
Je compte, je puis même dire j'espère, que nous serons désarmés aujourd'hui ou demain. Un peu de tranquillité nous serait donnée.
L'on me dit à l'instant que tous les francs-tireurs ont quitté, malgré cela la gardeNationale encore ivre d'hier soir se réunit de nouveau.
Embrassez je vous prie mes bonnes petite filles comme je vous embrasse
Charles Mff
M. Jaeglé demande le bordereau du mois, pour arrêter les écritures du mois.
le porteur de la présente est un de nos ouvriers. il dînera au village & rentrera ce soir.
Notes
- ↑ Joseph Rollin, maire de Steinbach de 1864 à 1887.
- ↑ Charles Mertzdorff, maire de Vieux-Thann, s’associe à Louis Berger, Georges Heuchel, Thiébaut Zimmermann.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, filles de Charles.
- ↑ Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 2 novembre 1870 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à ses beaux-parents Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_2_novembre_1870_(A)&oldid=35017 (accédée le 22 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.