Mercredi 29 septembre 1870 (A)
Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à son frère Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Morschwiller)
Jeudi 29 Septembre 1870.
Mes chers amis,
Mon n° 6 du 26 Septembre[1] ne porte pas la mention exigée aujourd’hui : par ballon monté, et ne sachant pas si elle pourra vous parvenir, je veux profiter du ballon qui part aujourd’hui, pour vous envoyer quelques lignes. Rien de nouveau à dire sur ma santé : mon état général reste bon, mais mes jambes et mes cuisses ont évidemment augmenté de volume, de sorte que la marche, que je fais cependant tous les jours, dans la ménagerie[2], pendant 1 heure environ, ou plus, en 2 fois, est assez difficile. Avec peu d’appétit, je mange passablement, et mes digestions se font très bien. Ma bronchite, qui n’a jamais été intense, tire à sa fin, mais si je dors beaucoup mieux que je ne le faisais, quand ma toux me tourmentait, j’ai cependant, à plusieurs reprises encore, le sommeil interrompu par de la toux et de l’expectoration. Monter le 1er étage m’essouffle, ce qui tient surtout, à ce que je crois, à de l’affaiblissement. Tout cela ne se dissipera qu’avec le temps : il me faut de la patience.
Adèle[3] et ses enfants vont très bien : elle est sans nouvelles de son mari, depuis le 14 Septembre. Ma femme[4] va bien aussi : elle fait partie du comité d’une ambulance, établie par ces dames, dans l’ancienne maison de M. Serres[5]. Nous sommes très tranquilles, dans notre quartier, mais bien des fois déjà, nous avons entendu les canonnades, fusillades et mitraillades. Aujourd’hui, Auguste et Paul[6] pour la 3eme et 4eme fois, montent la garde, et passent la nuit en plein air, et 2 fois, en particulier, sur les remparts, en amont de la Seine. Ce service, et les exercices, fatiguent beaucoup Auguste, mais il veut absolument rester avec Paul.
On est sans nouvelle de Georges[7], mais comme on sait que la fonderie de canons à Bourges travaille très activement, il y a toute probabilité qu’il est resté attaché à cette fonderie. Nous pensons beaucoup à vous, à votre isolement, à la tristesse que doit vous causer l’absence de nouvelles ; mais nous espérons bien que la proclamation de J. Favre[8] vous est connue, ainsi que le beau et navrant récit de son entrevue avec Bismarck.
Que nous serions heureux de pouvoir recevoir quelques lignes de vous ! Adieu, chers amis, nous vous souhaitons : courage et bonne santé. Ici, nous ne savons ce qui nous attend, mais il me semble qu’il ne faut pas encore désespérer.
Notes
- ↑ Voir le récapitulatif des lettres envoyées dans le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril, 2e volume, page 594.
- ↑ La ménagerie du Jardin des Plantes.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil et mère de Marie, Léon et Pierre Soleil.
- ↑ Eugénie Duméril.
- ↑ Etienne Renaud Augustin Serres (1786-1868), professeur d’anthropologie au Muséum.
- ↑ Charles Auguste Duméril et son fils Paul Duméril.
- ↑ Georges Duméril, autre fils de Charles Auguste.
- ↑ Après la capitulation de Sedan (4 septembre) et la proclamation du Gouvernement de la Défense nationale, le délégué aux Affaires étrangères, Jules Favre, rencontre Bismarck au château de Ferrières (18-20 septembre). Bismarck réclame la cession de l’Alsace et du nord de la Lorraine. Placé « entre le déshonneur et le devoir », le gouvernement choisit de continuer la lutte.
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril 2me volume (pages 619-621)
Pour citer cette page
« Mercredi 29 septembre 1870 (A). Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à son frère Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_29_septembre_1870_(A)&oldid=52328 (accédée le 7 décembre 2024).
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