Mercredi 29 octobre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Pays-Bas, Haarlem) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1873-10-29 pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-10-29 pages 2-3.jpg


CHARLES MERTZDORFF   

au vieux-thann   

Alsace[1]

Haarlem le 29 Octobre 73.

Mes chers Enfants.

Je n'ai pas besoin de vous dire que je suis ici depuis Lundi soir. Arrivé à Mayence une petite négligence nous a fait prendre la route de Francfort. Je vous l'ai déjà dit je crois[2]. Nous avons quitté Mayence de grand matin & n'avons nullement regretté notre maladresse <car> le chemin de fer suit la plus belle partie du Rhin que nous passions la nuit. J'ai parfaitement joui de toute la route jusqu'a Cologne. Arrêt de 3 h juste assez pour voir la cathédrale & manger un morceau. La route passe un pays excessivement industriel ce qui serait intéressant à visiter mais comme touriste l'attrait est moindre. Puis peu à peu la plaine jusqu'à Arnhem où commence la Hollande. Arrivé assez tard à Amsterdam un peu fatigué je ne suis pas sorti de l'hôtel.

Par contre Lundi toute la journée sur pied à visiter la plus étrange des pour un habitant des Montagnes.

Le plan en relief de la Hollande est facile à faire. Un carton bien bien vert, des milliers de lignes bleues représentant les canaux fossés etc. laisser quelques grosses flaques de bleu ce sont des étangs, marais. puis y passer légèrement le sablier, qui chaque grain de sable fera relief, ce seront autant de vaches, moutons,cochons etc. etc. La seule chose qui fasse relief dans le paysage.

Amsterdam est en forme d'éventail chaque rue est un canal. qui forment dit-on 95 îlots de maisons.

Chaque maison repose sur cent ou 200 arbres de 10 à 15 m de long. Ce qui fait qu'en terre il y a toute une immense forêt & c'est pour cela peut-être que l'arbre est rare sur terre.

Mardi Lundi soir encore quitté Amsterdam pour arriver ici 1 h après. il était tard. Mardi matin j'ai visité des machines qui font l'objet de mon voyage & Legay s'est mis à la besogne pour les visiter en détail. Ce qui a pris quelques heures. Le soir je me suis décidé à faire mon choix & fait l'affaire prix & conditions etc.

Ce matin de bonne heure Legay est allé à la fabrique Wilson (le même Wilson qui habite Paris & a déjà fait tout pour Bruxelles & Paris) pour faire démonter, emballer etc. & moi j'étais à Amsterdam pour voir s'il n'y a pas de petite lettre pour moi & en passant m'informer des transports conditions etc. Cette dernière question se compliquant, allant de l'un à l'autre ; j'ai dû remettre la petite lettre à un autre jour. J'étais à la station loin de la poste à l'heure du départ pour Rotterdam. J'étais à cette dernière ville cherchant la meilleure voie, ne connaissant personne, j'ai eu des difficultés ; mais je suis un peu mieux renseigné.

J'ai profité de ce voyage pour voir un bout de la ville port & canaux. Malheureusement les heures sont courtes & les chemins longs.

J'ai quitté Rotterdam vers 2 ou 3 h & suis arrivé encore assez à temps à La Haye pour me jeter dans une voiture & prendre la physionomie de la ville avant la nuit. vers 5 h je me suis fait conduire chez M. Target[3] qui allait sortir, il était déjà dans sa calèche d'Ambassadeur. Je n'ai fait que lui serrer la main, il va bien, sa femme[4] n'est pas en Hollande & il a fort bonne & belle mine. Il a pris son vol… & moi j'ai continué ma petite visite aux rues places promenades etc. L'estomac réclamait depuis bien des heures, mais il a dû attendre à 6 h. Quittant l'hôtel de très bonne heure, je me suis donné à la gare d'ici à 7 h un petit pain beurré de 2 sols, ce pain était fondu depuis bien longtemps c'est pourquoi l'estomac grognait. Il a été satisfait à La Haye dans une mauvaise auberge près du chemin de fer. il a fait la digestion en route pour ici.

J'ai fait comme vous voyez à peu près le tour de la belle & fière Hollande dans ma journée, toujours à la recherche d'un transport bon Marché par Eau. Mais je crois que j'y renoncerai. Ce matin il y avait de la glace dans les rues ici, la campagne était blanche comme s'il avait neigé. Je renonce à l'Eau. ferai voyager ma fonte par le feu.

Je serais bien tenté de continuer mon bavardage, mais il ne me reste plus qu'une feuille de Papier pour Vieux-thann où je n'ai pas encore donné signe de Vie. En rentrant je n'ai pas trouvé Legay qui me dit-on est allé au théâtre de Haarlem. J'ignorais réellement qu'il y eût théâtre ici.

Je vous embrasse bien fort toutes & tous en attendant le plaisir de le faire avec plus de plaisir encore.

tout à vous votre père qui ne pense qu'à vous

Charles Mff.


Notes

  1. En-tête professionnel imprimé.
  2. Voir la lettre du 26 octobre.
  3. Paul Louis Target, alors ministre plénipotentiaire à La Haye.
  4. Victorine Duvergier de Hauranne.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 29 octobre 1873. Lettre de Charles Mertzdorff (Pays-Bas, Haarlem) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_29_octobre_1873&oldid=35157 (accédée le 19 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.