Jeudi 30 octobre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Constant Duméril (Saint-Omer) à sa cousine Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)

original de la lettre 1873-10-30 pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-10-30 pages 2-3.jpg


Saint-Omer le 30 Octobre 1873.

Ma chère Félicité,

J’ai reçu avec un plaisir extrême votre bien chère et bonne lettre du 26 qui ne m’est parvenue qu’hier soir. Je n’ai jamais douté un instant de votre attachement. Vos témoignages si sincères et si touchants d’amitié m’ont donc rien qui me puisse surprendre et vous savez votre excellent mari[1] et vous combien de mon côté je vous paie de complète réciprocité. Mais en raison de cela même je me trouve plus heureux encore en présence d’un témoignage palpable de votre bon souvenir.

Merci pour les détails que vous me donnez sur votre famille, ils m’intéressent on ne peut plus bien que je les eusse reçus déjà, mais j’aurais bien voulu un supplément ou plutôt avant tout en avoir de vous s’appliquant à vous-même et à mon cher Constant, mon homonyme et frère car vous et lui vous êtes mes frère et sœur ni plus ni moins et dès ma tendre enfance je vous ai considérés comme tels et c’est aussi dans ces sentiments que je veux mourir.

à l’occasion réparez donc un oubli dont je me plains à bon droit, parlez-moi de vous, donnez-moi touchant votre position ces détails intimes qui deviennent si précieux en présence d’un éloignement prolongé et sans terme, hélas je le prévois, je le sens.

Comme vous me le dites nous voici arrivés aux confins de la vieillesse[2], la vie que nous avons parcourue a été certainement bien parsemée d’épines et de ronces, elle ne vaut pas que nous lui accordions le moindre regret, c’est dans ce sentiment que j’en vois arriver le terme car je crois que le repos véritable ne se rencontre que par-delà notre existence et j’ai pour ma part bien mérité de me reposer.

Les faits dont vous m’entretenez et qui ont rapport aux miens vous sont peu connus je le vois, mais je ne veux ni ne dois entrer à cet égard dans <si menus> détails, ce qui est fait est fait. Mes dernières illusions perdues, ma santé détruite tout cela accompli froidement, de longue main. Voilà la situation, n’en parlons plus !

Vous savez que je me suis démis de mes fonctions de Maire[3] ce sont pour moi des tracas en moins et j’éprouvais d’ailleurs un dégoût suprême pour toutes choses, de ce côté j’ai rencontré un débarras et par suite une tranquillité relative.

Je suis encore Président de la chambre de commerce et j’occupe plusieurs autres fonctions publiques qui ne me laissent pas absolument sans travail. Mais je suis bien près de tout abandonner et ce n’est pas sans de violents efforts que je m’astreins à donner mes soins aux affaires pour lesquelles je deviens de plus en plus indifférent.

Mon fils Émile[4] et sa bonne et gentille femme sont parfaits pour moi. Leurs enfants[5] sont charmants, je les aime on ne peut plus. Je rencontre là une compensation bien grande je tiens à vous le dire et d’autre part mes sœurs et frères[6] ont pour moi mille attentions dont je ne saurais leur être trop reconnaissant. Vous voyez ma chère Félicité que je n’ai pas tout perdu, je serais certainement ingrat de ne point le reconnaître et je ne dois point omettre de vous faire connaître ces circonstances.

Je n’ai pas besoin de vous dire combien tout ce que j’écris ici est commun pour votre cher mari et pour vous. Je m’adresse à l’un et à l’autre bien que je n’emprunte pas la forme collective, il me paraît superflu d’ajouter encore l’extrême intérêt que je porte à tout ce qui vous touche (Léon[7], M. Mertzdorff[8]) et de vous prier d’être mon interprète auprès d’eux je compte particulièrement que vous comprenez tout cela sans qu’il soit besoin que j’entre à cette occasion dans <si menus> détails.

Je vous quitte chers amis et non sans regret, bien certain que vous voudrez bien m’accorder un souvenir et que vous ne cesserez de croire à ma vive et inaltérable affection

C. Duméril


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril, aussi appelé « Constant ».
  2. Constant Duméril a 64 ans et Félicité Duméril, 63 ans.
  3. Maire de Saint-Omer.
  4. Émile Duméril, époux de Louise Potterie.
  5. Jeanne, Paul et Émile (le fils) Duméril.
  6. Florimond Duméril, le père de Constant, a eu 18 enfants.
  7. Léon Duméril.
  8. Charles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 30 octobre 1873. Lettre de Constant Duméril (Saint-Omer) à sa cousine Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_30_octobre_1873&oldid=59189 (accédée le 14 novembre 2024).

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