Mercredi 24 août 1870 (A)
Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à son gendre Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Morschwiller 24 Août 1870
Merci, mon cher Charles de votre petite lettre reçue hier. Je voulais justement aller passer cette journée-là avec vous & je m'étais mis en route mais quand je suis arrivé à Lutterbach le train venait de passer : il avait repris sa marche règlementaire, le train de Paris n'étant pas attendu & le courrier devant maintenant nous venir par Dijon parce que nous avons coupé le chemin de fer entre Chalindrey & Chaumont pour que les Prussiens ne puissent pas s'en servir. J'avais quelque envie de continuer la route à pied, mais il tombait une petite pluie fine qui n'était pas engageante & je suis rentré piteusement à la maison comme j'en étais parti.
Je voulais vous dire que nous avons traité avec un remplaçant pour Léon[1] : c'est un ancien zouave qui doit être un fameux soldat : il est veuf & n'a qu'une petite fille : il est ouvrier chaudronnier chez Ducommun[2] ; il a l'air d'un bien honnête homme ; point vantard : il dit qu'il craint que l'ouvrage vienne à manquer & de tomber dans la misère qu'en se faisant remplaçant il assure une petite fortune à son enfant & que s'il part il espère bien en revenir. Nous avons fixé la somme à quatre mille francs dont 500 francs payables après son acceptation par le conseil de révision & le reste quand il devra partir : s'il ne part pas il n'aura que les 500 francs qui lui seront toujours acquis.
Merci des détails que vous nous donnez : la bonne-maman[3] ne prend pas bien son parti de la chute que sa petite Mimi[4] a faite dans l'escalier elle pense au mal qu'elle aurait pu se faire, tandis qu'elle n'est que légèrement contusionnée. Nous sommes bien contents de savoir Julien[5] à Paris ou du moins au camp de St Maur : on aura bien joui de ses 48 heures de permission.
Nous commençons aussi à bien réduire notre travail, d'abord en supprimant les veillées, puis en laissant tantôt les uns, tantôt les autres à la maisons. Nous avons arrêté l'ancien calorifère pour le réorganiser il allait par trop mal : nous rapprochons les deux rangées de tourniquets, nous remettons d'équerre toute la charpente en fer & nous remplaçons la plupart des tourniquets.
Welter[6] nous a envoyé hier les deux machines à humecter auxquelles nous ne songions guère : je vous en enverrai une par la première voiture qui ira à Vieux-Thann. Il n'a pas envoyé la facture avec, mais elle ne tardera sans doute pas à paraître.
J'ai expliqué au père Buisson comme quoi vous ne pouviez pas vous charger de son argent & lui ai parlé de l'emprunt : ça n'a pas l'air de le tenter beaucoup ; il a dû en causer avec sa femme, je ne sais pas ce qu'ils auront décidé.
Je ne vous parle pas de la guerre c'est trop triste, mais ici et à Mulhouse on ne doute pas que les Prussiens ne soient exterminés & chassés de France : seulement cela coûtera terriblement cher en hommes en argent & en valeurs détruites : que les hommes sont insensés !
Recevez mon cher Charles l'expression de notre tendre amitié.
Constant Duméril
Nous vous plaignons bien dans votre solitude.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 24 août 1870 (A). Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à son gendre Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_24_ao%C3%BBt_1870_(A)&oldid=35087 (accédée le 21 novembre 2024).
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