Mercredi 21 septembre 1791 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)

lettre du 21 septembre 1791 (B), recopiée livre 1 page 67.jpg lettre du 21 septembre 1791 (B), recopiée livre 1 page 68.jpg


N°16

Rouen ce 21 7bre 1791

Papa,

J’avais écris ce matin à Maman[1] avant l’arrivée de la poste, parce que je pensais que la dame qui se charge de ma lettre partirait sans que je la voie, mais puisqu’elle m’a dit depuis qu’elle reviendrait aujourd’hui le soir ou demain au matin, je veux vous faire réponse.

J’ai reçu le paquet dans lequel était comme vous dites très bien, une paire de souliers dont l’un était plus petit que l’autre, mais je ne m’en étais pas aperçu quoique je l’eusse essayé, parce que justement j’avais pris le plus grand. De qui est la lettre que maman a oublié de mettre dans le paquet ? Je vous fais une question indiscrète, je le saurai en la recevant et par conséquent à la première occasion. Il paraît que M. Cézille ne songe guère à revenir à Rouen, n’en entendez-vous pas parler ? Je ne voulais pas vous demander l’adresse de M. Leprieur mais celle de M. son frère, mais cela m’est égal parce que l’adresserai chez M. son père. Vous me dites à moitié que ma sœur[2] a fait une chute pareille à celle de M. D’Eu[3] ; je n’en avais pas entendu parler. J’avais bien songé à vous faire passer un des boutons de mon habit noir, mais j’étais bien aise de les garder tous, cependant j’en détache un et je vous le fais passer. M. Thillaye est d’une bien faible complexion : il faut bien peu de chose pour l’abattre, et la maladie qui est à ses trousses l’a changé considérablement et je crois qu’il aura de la peine à s’en débarrasser. Ce qu’il y a de pis, c’est qu’il a une toux pituiteuse[4], qui le suffoque. Ses amis selon ce qu’ils m’en ont dit craignent beaucoup qu’il ne soit attaqué de la poitrine ; mais je crois qu’il a passé l’âge. Rien ce nouveau ici. On est d’une indolence et d’une froideur indicibles pour les affaires du temps, tant pis, tandis que nous dormons, on veille peut-être pour nous perdre[5]. Adieu, je vous embrasse et suis votre fils soumis.

Constant Duméril

P.S. N’avez-vous pas reçu une lettre de Mme Thillaye[6] donnez-lui ou faites-lui faire réponse par Maman.


Notes

  1. Rosalie Duval.
  2. Probablement Reine Duméril.
  3. Louis Joseph Deu de Perthes.
  4. Qui abonde en pituite, « humeur blanche et visqueuse » selon les termes médicaux de l’époque (mucosités venues des bronches, du nez, de l’estomac).
  5. Il s’agit peut-être d’une allusion à la déclaration de Pillnitz (27 août 1791), publiée par l’empereur Léopold et le roi de Prusse, et qui est présentée comme la menace d’une intervention des puissances européennes en faveur de la royauté française.
  6. L’épouse de Jacques François René Thillaye, née Platel.

Notice bibliographique

D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 67-68

Pour citer cette page

« Mercredi 21 septembre 1791 (B). Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_21_septembre_1791_(B)&oldid=35060 (accédée le 21 novembre 2024).

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