Mercredi 20 octobre 1915
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)
Mercredi matin
Mon cher petit Louis,
Voilà bien longtemps que je ne t'ai écrit, moi aussi, tu correspondais avec ton papa[1] et je n'avais rien à ajouter. Tu as su le bonheur de Jacques[2] de passer 6 jours ici, 6 jours trop vite écoulés assurément, mais dont il a bien joui. Il est fou de son fils[3] et vraiment il peut être fier de son coup d'essai. Ce petit fait notre joie à tous, il est si aimable et si gentil. Elise[4] est partie hier avec Jacques pour Boulogne et c'est ce matin, en ce moment même que doit avoir lieu la douloureuse séparation. Pour combien de temps ?... et comme Jacques prévoit pour le moins encore 2 ans de guerre et plus probablement 10, tu vois si la séparation paraîtra dure ! Espérons tout de même qu'il se trompe mais je crains bien, hélas ! qu'une année y passe encore sûrement.
Pauvre Richard[5] ! quel dommage !! ce sera un gros chagrin pour Michel et Pierre[6] qui avaient tant d'affection et d'admiration pour leur « gros homme ». Voilà déjà plusieurs vides cruels parmi les amis. Heureusement que la majorité n'est pas dans l'Infanterie parmi vos amis, mais il y a encore dAgens[7], Armand[8] et combien d'autres ? et les Peignot !..
Je pense que Michel t'a écrit qu'il avait été cité à l'ordre du régiment ? En voilà donc un ! c'était bien celui-là, de nos 4 fils qui devait y réussir, Pierre n'est pas fait pour cela et je ne pense pas non plus que tu sauras laisser voir tes actions d'éclat. Je ne mets pas en doute, tu vois, que tu n'en opères dans l'ombre. A part les examens, Michel a de « la veine » il faut bien en convenir et je ne la trouve pas mal placée, loin de là !
Tu es donc dans la dernière chauffe[9], mon pauvre garçon ? et malgré cela chacun use de toi comme agent de liaison ou factotum ; tu t'occupes d'un tas de choses dont ton patronage avec ta société de gymnastique en formation n'est pas la moindre. J'espère que tu réussiras et que tu pourras te donner, après ton examen, pour lequel je te souhaite aussi le succès, un peu de répit, un peu de grand air de Brunehautpré. Tu dois en avoir besoin. Les CD[10] nous font espérer leur visite à la fin du mois ou commencement de 9bre. Si je ne m'attendais à devoir garder le repos cette semaine, j'irais à Paris pour voir Pierre Dimanche car cela me paraît très-triste de ne pas profiter de sa présence à Fontainebleau.
Je t'embrasse très tendrement cher petit ; toi aussi je voudrais bien te revoir.
EM
Je te charge de mon meilleur souvenir pour Françoise[11] dont il a été bien souvent question ces jours-ci. Jacques parlait si souvent d'elle.
Notes
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Jacques Damas Froissart, âgé d’un an.
- ↑ Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Richard non identifié.
- ↑ Michel et Pierre Froissart, frères de Louis.
- ↑ Jean Dagens.
- ↑ Armand Caruel.
- ↑ Louis Froissart prépare une licence de philosophie.
- ↑ La famille de Guy Colmet Daâge et son épouse Madeleine Froissart.
- ↑ Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, au service des Froissart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 20 octobre 1915. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_20_octobre_1915&oldid=56484 (accédée le 22 décembre 2024).
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