Mardi 25 août 1846

De Une correspondance familiale


Lettre d’Auguste Duméril (Lille) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris)


d’André Auguste Duméril.

Lille mardi 24[1] Août 1846 (2 heures).

Je ne comptais pas écrire aujourd’hui, ma chère maman, et je ne sais trop si je pourrai le faire demain, ou plutôt, je pense que cela ne me sera pas possible. Mais, me trouvant, par hasard, avoir un moment aujourd’hui, j’en profite pour t’adresser quelques lignes, en réponse ; mais surtout, en remerciement de la bonne lettre que j’ai eu le plaisir de recevoir de toi, ce matin, et pour te prier aussi de bien embrasser Caroline[2], pour sa lettre, qui s’est croisée avec la mienne. Je la remercie beaucoup d’avoir songé à tenir sa promesse : je lui répondrai. Ce qui fait que je puis, ma chère et bonne maman, me donner le plaisir de causer un peu avec toi, c’est qu’il y a eu malentendu, pour l’heure d’invitation chez Mme Virnot[3] : nous avions compris que c’était pour une heure ; tandis qu’on ne nous attendait qu’à 4 ; mais cela s’arrange très bien, malgré cela, parce que Adèle[4] tombait de sommeil, et on a pu la ramener ici, pour la coucher. Eugénie reste avec son amie, avec qui elle va faire une promenade, où elles seront seules, avec les enfants de Mme Virnot, ce qui leur permettra de se trouver un peu longtemps ensemble ; quant à moi, je retournerai, avec Adèle, à 4 heures. Après t’avoir écrit, j’irai voir Joseph, qui est venu nous voir hier, avec Mme Fabre[5] : ils nous ont invités à dîner pour jeudi. Mlle Clara Béghin, que nous venons de voir, nous a engagés pour vendredi. On se plaint, chez Mme Vasseur[6], de ce que nous n’y sommes pas assez souvent, mais, comme il arrive ce soir M. Vasseur, l’aîné[7], Mme Gosselin[8] d’Amiens, avec son fils et une cousine[9], et Édouard[10], nous ne sommes pas fâchés de diminuer un peu l’embarras, en n’étant pas là samedi soir : 20 personnes coucheront dans la maison, qui est très vaste, et où tout cela pourra bien s’arranger. Éléonore[11], qui paraît très heureuse, et qui a été très sensible aux choses gracieuses dont tu me chargeais pour elle, vient d’apprendre la mort de la femme du fils aîné[12] de Mme Bernard[13] : Mme Bernard Charvet, qui meurt, à 38 ou 39 ans, en laissant 7 enfants. Mme Bernard ne pourra pas assister au mariage, ce qui contrarie Eléonore, parce qu’elle devait représenter sa mère. Ce qui fait que je ne pourrai pas écrire demain, c’est que nous partons demain, à 10 heures, pour la campagne, et que nous ne rentrerons que le soir. Notre dîner s’est très bien passé hier chez Mme Declercq[14]. J’ai vu, ce matin, avec M. Murville, Charles[15], dont la position, quoique grave, n’est peut-être pas sans ressource. Mais il est impossible, quant à présent, de porter un jugement sur l’issue probable de la maladie.

Nous sommes bien contents de savoir que tu n’as pas été trop préoccupée dimanche de ne pas recevoir de lettre ; j’espérais que mon billet (et celui d’Adèle) te seraient arrivés dans la journée. Persuade-toi bien, je t’en prie, qu’il n’y a vraiment pas apparence de danger à ce fameux Fampoux[16].

Si Adèle n’est plus auprès de toi, pour te prier de la faire jouer, nous lui parlons le plus souvent possible de chacun de vous. Eugénie n’a pas encore pu s’assurer si la dent est percée. Elle se porte parfaitement, mange bien, et a pris son bain ce matin.

Nous n’avions pas su, par la lettre de papa[17], que ma tante[18] eût éprouvé le même sort que Caroline : nous espérons bien que l’une et l’autre ne se ressentent plus du tout de cette indisposition. Eugénie me charge de te prier d’exprimer à ses parents[19] son regret de ne pouvoir leur écrire demain, en leur envoyant mille choses affectueuses.

Adieu, ma chère maman. Eugénie et moi t’envoyons, ainsi qu’à papa, et aux habitants de la rue St Victor[20] nos tendres amitiés.


Notes

  1. Il s’agit plus probablement du mardi 25 août.
  2. Caroline Duméril, nièce d’Auguste, née en 1836.
  3. Adèle Catherine Le Thierry, épouse de Victor Dominique Virnot, mère d’Urbain Dominique (né en 1837) et de Julie Jeanne (née en 1839).
  4. Adèle Duméril, fille d’Auguste et Eugénie, née en 1844.
  5. Joseph Auguste Fabre et Alexandra van Blarenberghe, mariés en 1845.
  6. Fidéline Cumont, épouse de Théophile (Charles) Vasseur.
  7. Probablement Léonard Vasseur, père de Théophile (Charles).
  8. Marie Geneviève Cumont, épouse de Charles Antoine Gosselin ; ils ont quatre fils et une fille.
  9. Probablement la « parente de la famille » mentionnée quelques jours plus tard, le 4 septembre : Joséphine de Saint Germain, fille de Jean François Théophile et de Marie Louis Gabrielle Gosselin (les parents sont cousins germains).
  10. Édouard Vasseur, le plus jeune fils de Léonard.
  11. Éléonore Vasseur, fille de Léonard, qui épouse André Fröhlich en septembre.
  12. Cécile Eugénie Charvet, épouse d'Alexandre Georges Toussaint Bernard.
  13. Amélie Françoise Serret, veuve d'Alexandre Benjamin Bernard.
  14. Césarine Cumont, épouse de Guillaume Declercq.
  15. Charles Declercq.
  16. Quelques semaines auparavant, le 8 juillet 1846, un train venant de Paris a déraillé tout près de Fampoux, causant la mort de 14 passagers et faisant de nombreux blessés. La ligne avait été inaugurée 14 juin en présence des fils du roi.
  17. André Marie Constant Duméril.
  18. Alexandrine Cumont.
  19. Auguste Duméril l’aîné et son épouse Alexandrine Cumont.
  20. Louis Daniel Constant Duméril, sa femme Félicité, et leurs enfants Caroline et Léon, habitent rue Saint Victor.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril, 2ème volume, « Voyage à Lille, à l’époque du mariage d’Eléonore, et en Belgique. Détails sur la dysenterie d’Adèle. 1846 », p. 422-425

Pour citer cette page

« Mardi 25 août 1846. Lettre d’Auguste Duméril (Lille) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_25_ao%C3%BBt_1846&oldid=57798 (accédée le 15 novembre 2024).

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