Mardi 22 et mercredi 23 décembre 1874
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Mardi Soir 22 Xbre 74.
Ma grosse Marie chérie
Vous[1] avez sans doute bien embrassé l'Oncle[2] de vous avoir procuré le plaisir de l'Opéra. Chose que vous ne reverrez plus comme vous l'avez fait. J'aurais bien voulu être de la partie, car je n'ai jamais pénétré si intimement dans une salle de spectacle. Par contre j'ai vu les plans de l'opéra & puis me faire une idée de ce que cela peut être. Pour une première salle de spectacle que vous visitez vous n'avez pas mal choisi, toutes les petites filles ne sont pas aussi privilégiées que vous. Tu as parfaitement raison, je n'aurais jamais pu deviner comment vous aviez passé votre soirée lorsque tu me l'as donné à deviner[3].
Comme vous le savez, moi aussi j'ai fait un excès Dimanche dernier, en dînant à la droite de Mme Berger[4], ayant à ma gauche Mlle Marie Berger. J'étais avec M. Zimmermann seul étranger & cependant la table était grande. Il y avait M. & Mme Léonce[5], Mme[6] & Mlle André[7]. Cette pauvre Mlle André a encore été bien malade ces derniers temps aussi n'a t-elle pas bonne mine & Mme André non plus. cette pauvre grand-mère s'en va peu à peu.
Le dîner était fort gai & je suis resté avec ces Messieurs à fumer jusqu'après le départ de M. Léonce c’est à dire 6h. La journée était complète.
J'avais commencé ma lettre hier au soir & comptais bien t'écrire longuement. mais M. Jaeglé[8] qui était à Bâle pour mes affaires a si bien bavardé que je n'ai pas pu continuer & que je suis forcé de reprendre ce matin. Ce qui n'aurait pas l'ombre d’inconvénient si j'étais matinal ; mais comme c'est juste le contraire je suis puni, étant forcé d'écourter ma bonne causerie.
Hier au soir au souper j'ai trouvé Thérèse[9] pleurant ; son père est tombé dans les vignes & s'est démis le pied ce qui est toujours grave pour un homme de cet âge. Le médecin Kohl[10] lui a dit qu'il en avait pour tout son hiver, ce qui est dur pour ces pauvres gens. Si seulement son pied se remet bien & qu'il ne reste pas estropié. Le frère de Thérèse est de retour d'Amérique, il travaille dans la cour, c'est un bon petit sujet que son voyage a un peu débrouillé.
Nanette[11] par contre est ravie de son portrait qu'elle a fait faire par un artiste photographe à Thann. La bonne & brave femme est toujours aux petits soins pour moi, elle s'occupe aussi un peu de quelques pauvres qui l'intéressent.
Nous voilà au froid ce matin - 6° ce qui n'est pas excessif comme tu vois, mais l'on n'y était plus habitué. Nous sommes sans neige tandis qu'à Bâle il y en a déjà un peu, Ce ne sont que les hautes montagnes qui sont blanches.
Hier j'ai eu la visite de M. Henriet[12] & sa fille Jeanne, ils vont partir la semaine prochaine pour Nancy, ces deux demoiselles vont rester quelques semaines. Jeanne chez les Zaepffel[13] & Gabrielle chez sa cousine Lejeune. Ils pensaient que je repasserais par Nancy pour aller à Paris & que je me chargerais de ces Demoiselles. Comme cela n'est pas, le père se décide de les conduire.
Rien à te marquer ni de la Maison ni de la fabrique. Je sais qu'à Morschwiller l'on va bien. bonne-maman[14] va décider si l'on viendra ici ou si je dois aller à Morschwiller pour le jour de Noël
Quant à tante Georges[15] elle se fera conduire à Morschwiller Vendredi prochain pour donner la fameuse poupée que vous savez. Ce petit <personnage> a eu l'approbation de bien des dames & Demoiselles de Vieux-Thann me dit-on.
C'est toujours Mardi prochain que je pense me remettre sur la route de Paris. J'ai de quoi me préserver du froid & ne crains rien. Je me réjouis bien du plaisir de vous embrasser & de passer quelques semaines avec vous. Mais le temps passera encore si vite !
Embrasse bien tante Oncle & Sœur mes plus affectueuses amitiés à bonne-maman & bon-papa Desnoyers[16], & pour toi ma grosse chérie chérie un bon bec de ton père qui t'aime
Charles Mertzdorff
J'ai bien reçu ta lettre hier matin mais elle a immédiatement pris le chemin de Morschwiller & généralement elles ne me reviennent que 4 à 5 jours après.
Notes
- ↑ Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Voir lettre du 20 décembre.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Léonce Berger et son épouse Julie André.
- ↑ Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André, âgée de 69 ans.
- ↑ Marie André.
- ↑ Frédéric Eugène Jaeglé.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique, fille de François Neeff (58 ans).
- ↑ Le docteur Léon Kohl.
- ↑ Annette, cuisinière de Charles Mertzdorff.
- ↑ Louis Alexandre Henriet.
- ↑ Edgar Zaepffel et son épouse Emilie Mertzdorff.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril ; ils habitent Morschwiller.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 22 et mercredi 23 décembre 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_22_et_mercredi_23_d%C3%A9cembre_1874&oldid=51772 (accédée le 18 décembre 2024).
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