Mardi 20 avril 1819

De Une correspondance familiale

Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à ses beaux-parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens)

Original de la lettre 1819-04-20-page1.jpg Original de la lettre 1819-04-20-page2.jpg Original de la lettre 1819-04-20-page3.jpg Original de la lettre 1819-04-20-page4.jpg


n° 250

20 Avril 1819

Voudrez-vous bien me pardonner ma très chère Maman, d’avoir laissé passer tant de temps sans vous écrire et surtout de n’avoir point pris la plume au moment où vous veniez d’éprouver tous une peine bien vive, et que nous avons bien partagée avec vous. Ce triste événement qui vous a enlevé un petit-fils[1] que vous chérissiez, nous a donné d’autant plus de chagrin que nous avons été tout de suite vivement occupés de vous et des vôtres et du coup cruel que vous receviez tous par cette fin si peu prévue il y a quelques mois. Nous aurions voulu être près de vous, mes très chers Parents, pour chercher à vous distraire un peu, car nous n’aurions pas espéré pouvoir vous donner de consolations, il y en a bien peu dans un événement comme celui-là ; Cependant ce qui pourrait faire que l’on regrettât peu-être un peu moins la vie pour ce cher Montfleury que pour bien d’autres, c’est que (quoiqu’il fut extrêmement bon) il n’était point d’un caractère social, cela l’ aurait barré dans sa carrière qui l’aurait été aussi par son peu d’ambition, il poussait trop loin cette insouciance sur sa fortune à venir. Nous sommes bien occupés du chagrin de son Père et de ses sœurs[2], mais ils doivent penser avec satisfaction qu’ils ont adouci ses derniers moments par tous leurs soins et leurs témoignages d’affection. Veuillez bien exprimer à ma belle-sœur[3] combien j’ai été et je suis occupée d’elle, et comme j’aurais voulu qu’elle pût venir passer quelques jours avec nous pour se distraire un peu d’une pensée qui doit être toujours là.

Je voudrais ma très chère maman que vous pussiez juger par vous-même du bon état du petit Gustave[4] que vous ne connaissez pas encore et qui a bien mis à profit ses deux mois et demi d’existence, il a déjà bien de la connaissance, et il est aussi fort et bien portant qu’on puisse le désirer. Il a une excellente nourrice dont nous sommes extrêmement contents à tous égards et qui jouit bien d’avoir un nourrisson si bien venant. Le beau temps nous favorise aussi, et le petit est très heureux au grand air. Ses frères[5] lui font beaucoup de caresses, Auguste (quoique très lutin maintenant) s’en occupe beaucoup. Constant n’a que des petits moments pour cela, ce qui n’empêche pas qu’il suive à mesure ses petits progrès. Ce brave Constant nous donne toujours toute la satisfaction possible par son caractère et par son application à ses études. M. Duval[6] pourra vous donner des détails sur nous tous ; il laisse tout le monde ici en assez bonne santé ; cependant il ne pourra pas parler de la mienne tout à fait comme je voudrais, depuis que je suis accouchée je n’ai point repris mes forces, ce qui me donne assez d’abattement moral, j’espère pourtant que le beau temps finira par me remettre tout à fait.

Nous désirons bien bien que vous ne soyez pas aussi souffrante que vous l’avez été par moments, et que la belle saison vous soit favorable. Nous espérons aussi que notre cher Papa est content de sa santé. Nous l’embrassons affectueusement ainsi que vous ma très chère maman et nous vous prions tous deux de recevoir l’expression de notre respectueux et tendre attachement.

A. Duméril


Notes

  1. Florimond Duméril (le jeune), dit Montfleury comme son père, étudiant en médecine, vient de mourir à Saint-Omer.
  2. Florimond dit Montfleury (l’aîné), frère d’AMC Duméril, a également de sa première épouse Félicité Vatblé, deux filles, Olympe et Clémentine ; il a d’autres enfants de sa seconde épouse Catherine Schuermans.
  3. Reine Duméril.
  4. Gustave, fils d’Alphonsine et André Marie Constant Duméril.
  5. Auguste et Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Le cousin Augustin Duval.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p. 175-178)

Pour citer cette page

« Mardi 20 avril 1819. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à ses beaux-parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_avril_1819&oldid=40813 (accédée le 14 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.