Mardi 1er mars 1881
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mardi[1]
Je ne veux pas sortir, mon Père chéri, sans être venue te faire ma petite visite ; j’espère que le soleil va bien vouloir attendre un peu pour se cacher, mais qu’il attende ou non je veux avant tout causer avec toi. J’ai vu hier Émilie[2] qui m’a dit qu’elle avait de tes nouvelles et que tu allais bien ; mais je n’ai pu lire la lettre car nous avions hier au Jardin un grand dîner de cérémonie (19 personnes) et Émilie n’a pas pu monter pour aller me la chercher. Tu vois que je vais encore dans le monde, je me suis laissé séduire par l’invitation de tante[3] et je m’en suis réjouie car je me suis bien amusée et ce petit excès ne m’a fatiguée en aucune façon. Aujourd’hui nous avons eu à déjeuner une dame de Longuerue, une ancienne amie de notre mère[4] qui habite la Normandie et était la plus proche voisine et l’amie de la bonne-maman de Fréville[5]. C’est une aimable personne pleine de gaieté et d’entrain. Nous avons eu aussi avec elle mon beau-frère[6]. Louise[7] ne peut quitter ses enfants[8] au milieu de la journée.
Nous avons un singulier temps en ce moment : ce sont de vraies giboulées de Mars ; le matin un ciel superbe, dans l’après-midi des nuages, du vent de la pluie et même hier une neige fondante fort désagréable. Cela ne m’a pas empêchée de faire mes petites courses et de marcher. Demain je compte sur une bonne visite de tante au moins ; car Émilie ira probablement chez M. Flandrin[9]. Je la verrai le soir au dîner. Je me dépêche de profiter des réunions de famille car je n’en aurai peut-être plus beaucoup ; 3 ou 4 semaines sont bien vite passées. Nous commençons maintenant à penser sérieusement à une petite fille[10] ; Marcel[11] prétend même que cela vaudrait mieux pour l’aîné et il dit qu’il serait enchanté d’avoir une fille pourvu s’il pouvait être sûr d’avoir un garçon après. Enfin mon pauvre Père si tu ne veux pas être trop déçu habitue-toi à penser à ta petite Jeanne aussi bien qu’à Robert déjà surnommé Bob. Quel qu’il soit, il est déjà bien aimé ce cher petit enfant, et je crois que son bon-papa ne sera pas un des derniers à lui souhaiter la bienvenue ; qui sait même si je ne finirai pas par en être jalouse ? Surtout, Père, tu sais il ne faudra pas le gâter ; nous y sommes bien décidés et j’espère que nous tiendrons bon. L’avenir nous dira si nous avons été fidèles à nos principes. Adieu, Papa chéri, sur cette déclaration de bonne éducation. Je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime ; si seulement tu pouvais arriver bientôt et avant le mois de Mars pour que je puisse jouir de toi !
ta fille bien affectionnée,
Marie
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[12]. J’espère que bon-papa va tout à fait bien. Je compte leur écrire très prochainement.
Notes
- ↑ Lettre non datée.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Caroline Passerat, épouse de Jean Baptiste Augustin de Fréville.
- ↑ Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
- ↑ Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
- ↑ Louis, Etienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
- ↑ Paul Flandrin, professeur de dessin.
- ↑ Jeanne de Fréville naîtra le 19 mars 1881.
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 1er mars 1881. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_1er_mars_1881&oldid=59310 (accédée le 13 décembre 2024).
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