Mardi 17 octobre 1876 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1876-10-17A pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-10-17A pages 2-3.jpg


Paris le 17 Octobre 1876.

Mon Père chéri,

Merci mille fois pour ta bonne lettre tu devines si elle nous a fait plaisir ! et toi, tu sais dire tant de choses quand tu écris que c’est un véritable journal qui certes vaut bien trois de nos petites [lettres].

Bon-papa Desnoyers[1] est arrivé hier soir ; nous avons été chez lui ce matin et nous l’avons trouvé parfaitement, il a bonne mine, est enchanté de son séjour à Launay et ne paraît nullement se ressentir de sa maladie. Bonne-maman[2] ne l’a pas accompagné mais je pense qu’elle ne tardera plus beaucoup à revenir, elle a encore des ouvriers dans la maison de Nogent qu’on vient de faire remettre à neuf pour la louer au substitut[3] ; [  ] les maisons ce n’est pas bien amusant.

Nous n’avons rien fait de bien extraordinaire depuis que je t’ai écrit ; Dimanche la journée s’est terminée aussi paisiblement qu’elle s’était commencée ; hier matin oncle[4] nous a emmenées avec lui à pied au [ ] rue de la Monnaie[5] où il avait à faire et je t’assure que nous avons fait de bien grands pas pour arriver à l’heure au déjeuner. Dans l’après-midi nous avons été faire plusieurs courses avec tante[6], puis nous sommes rentrées travailler. Tante est en ce moment à Grenelle au mariage de Mlle Violet[7] ce sera une assez triste noce car les deux familles sont en grand deuil ; nous ne l’avons pas accompagnée, d’abord et principalement parce que nous n’avions rien à mettre ensuite parce que cela ne nous amusait guère ayant assez peu connu Lucie Violet. Elle n’a que 19 ans et je crois que son mari n’est pas bien vieux non plus.

Que te dirai-je au sujet de l’appartement ? car tu sais qu’ici on ne parle plus que de cela ou à peu près, mais si l’on en parle beaucoup il n’est pas dit pour cela qu’il avance en proportion les ouvriers sont d’une lenteur désespérante et franchement depuis ton départ je ne sais trop ce que l’on a fait ; M. Edwards[8] y passe presque tout son temps et je crois qu’il commence à être un peu ennuyé de tous ces retards. On a dû commencer à transporter les livres cette après-midi afin de profiter du temps admirable que nous avons ; il y a en ce moment près de 30 degrés à notre fenêtre.

Je vois d’après ta lettre, que tu vas bientôt éprouver tous les ennuis de la maîtresse de maison, mon pauvre petit père, et je t’assure que je te plains du fond de mon cœur ; nous avons bien pensé un peu avec tante à ce qu’il y aurait à faire ; l’idée de te donner François[9] s’était présentée la première, mais M. Edwards trouve qu’il peut encore pendant quelque temps suffire aux [travaux] et ne se soucie pas beaucoup je crois de se voir remplacé ; j nous croyons aussi que ce que tu aurais de mieux à faire serait de prendre comme tu [dis avoir] eu l’idée la sœur de Thérèse[10] mais sous le titre de tout à fait provisoire car il se pourrait bien qu’elle ne te convienne pas et alors peut-être son départ entraînerait-il celui de sa sœur ce qui serait bien fâcheux. A-t-elle des enfants ? où vit son mari ? il me semble que c’était une bonne fille et que laissant à Thérèse la cuisine et le service de la table elle pourrait parfaitement faire ton affaire. Je ne puis croire encore au départ de Nanette[11] et si on ne faisait pas ses caisses je dirais que c’est une fausse alerte comme elle l’a déjà fait tant de fois.

Que c’est difficile de mener un ménage ! ainsi en ce moment je suis toute agitée car tante m’avait donné des instruction par écrit au sujet de rideaux qu’on devait apporter en son absence et [ ] note [  ] ; le marchand est venu mais j’avais perdu mon papier et ne me rappelais plus bien ce qu’il y avait dessus ; pour comble de malheur j’étais au milieu d’une leçon de dessin[12] que je ne voulais pas quitter trop longtemps j’ai donc payé la note et gardé le paquet mais je ne sais pas si tout est bien comme tante le voulait. Vois-tu, papa, je suis par trop étourdie, c’est désespérant.

Au revoir mon petit papa que j’aime, merci encore une fois de ta bonne et longue lettre je vais aller goûter mais avant de te quitter, je t’embrasse de tout mon cœur.
Ta fille la plus bébé et la plus étourdie des filles
Marie

La sœur de Thérèse sait-elle le français ?


Notes

  1. Jules Desnoyers.
  2. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  3. Édouard Marie Théophile Delalande (1852-1903) est substitut à Nogent le Rotrou de 1877 à 1883 ; il succède à Félix André Réal (1846-1890), substitut de 1874 à 1876.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Possiblement au grand magasin de la Samaritaine, fondé en 1870 par Ernest Cognacq et son épouse, Marie-Louise Jay ; le premier magasin, au débouché du Pont-Neuf, occupait la rotonde de l'immeuble entre les rues du Pont-Neuf et de la Monnaie.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Lucie Violet, sœur d’une des professeures de Marie Mertzdorff, épouse Jules Carpentier (25 ans).
  8. Henri Milne-Edwards.
  9. François, domestique chez les Milne-Edwards.
  10. Anne Neeff, épouse de Nicolas Auguste Abel, sœur de Thérèse Neeff, qui est au service de Charles Mertzdorff.
  11. Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
  12. Leçon de dessin avec Marie Louise Duponchel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 17 octobre 1876 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_17_octobre_1876_(A)&oldid=40750 (accédée le 18 décembre 2024).

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