Lundi 26 novembre 1798, 6 frimaire an VII
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
n° 110
Paris le 6 Frimaire an VII
Maman, je commence par vous embrasser, et puis ensuite je profiterai du moment pour m’excuser du long silence que j’ai gardé avec vous. le meilleur motif, parmi une douzaine que je pourrais vous donner, sera celui de la Certitude dans laquelle j’étais que vous aviez de mes nouvelles par mes frères et que vous vous portiez bien. mais maintenant que je me vois privé de cet avantage qui favorisait si bien ma paresse en satisfaisant mon cœur, je vous promets de m’entretenir plus souvent avec vous car je vais devenir ici le point central entre mes frères, et vous apprendrez aussitôt de moi tout ce que je croirai pouvoir vous intéresser.
Me voilà donc ici pour ainsi dire seul ! car je ne vois pas Duméril depuis son mariage[1]. L’appartement que nous occupions Auguste[2] et moi à raison de 280ll par an étant trop cher et trop grand pour moi, j’en avais donné congé six ou sept jours avant le demi terme, mais comme le propriétaire demeurait très loin de chez moi, j’avais pris le parti de le lui donner par écrit. Il n’a répondu que le premier de ce mois à ma lettre en m’annonçant qu’il n’acceptait pas mon congé. que j’aurais dû le lui faire signifier plus tôt. et que je garderai l’appartement jusqu’au douze germinal. Il me proposait pour cette époque celui que nous occupions précédemment au quatrième, sur le pied de 130ll tandis que je sais qu’il l’a offert pour 120ll à d’autres personnes. Cette mauvaise foi et des procédés si peu délicats m’ont fait lui écrire une lettre très serrée par laquelle je lui annonce que je ferai en sorte d’avoir avec lui par la suite le moins de rapports qu’il me sera possible. de sorte qu’au douze germinal je serai obligé de déloger. Je suis resté dépositaire des meubles et d’un grand nombre des effets et hardes du ménage de Montfleury[3]. Auguste me laissera aussi toutes ses affaires. Mais moi-même suis-je bien fixé à Paris. Je suis en même temps de la Réquisition et de la cinquième classe de la conscription. Cette dernière circonstance ne m’inquiète pas beaucoup. il n’en est pas tout a fait de même de la première. Aucune loi ne m’exempte formellement. mais j’espère que si je suis inquiété ma place de prosecteur pourra m’être très utile, jusqu’ici je n’ai éprouvé aucune altercation.
Je suis toujours très occupé. tous les jours depuis trois mois et peut-être encore cela durera-t-il quatre ou cinq. Je pars de la maison à 8 heures et demie du matin, pour travailler jusqu’à deux les jours impairs et jusqu’au soir les jours pairs, et tous les jours impairs de la Décade je fais le soir ma leçon d’Anatomie. Je n’ai absolument de libre que les soirées des jours pairs dont je passe quelques-unes encore dans des Sociétés Savantes. Je vous embrasse ainsi que papa[4]
Votre fils C. Duméril.
Notes
- ↑ Jean Charles Antoine dit Duméril, frère d’André Marie Constant Duméril, vient de se remarier avec Agathe Duleau.
- ↑ Auguste (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Florimond dit Montfleury (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril, époux de Félicité Vatblé.
- ↑ François Jean Charles Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 54-56)
Annexe
A la citoyenne Duméril la mère
Petite rue Saint Rémy n° 4804
A Amiens
Pour citer cette page
« Lundi 26 novembre 1798, 6 frimaire an VII. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_26_novembre_1798,_6_frimaire_an_VII&oldid=40455 (accédée le 13 octobre 2024).
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