Jeudi 10 janvier 1799, 21 nivôse an VII

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)


lettre du 10 janvier 1799, recopiée livre 2 page 56.jpg lettre du 10 janvier 1799, recopiée livre 2 page 57.jpg lettre du 10 janvier 1799, recopiée livre 2 page 58.jpg Original de la lettre 1799-01-10-page2.jpg Original de la lettre 1799-01-10-page1.jpg Original de la lettre 1799-01-10-page3.jpg Original de la lettre 1799-01-10-page4.jpg


n° 111

Paris le 21 Nivôse an VII

Maman,

Je n'ai pas plus de nouvelles directes de Montfleury[1] que vous. Je sais cependant qu'il est entré en fonctions à Mayence. Mais il ne m'a pas écrit ni à Duméril. C'est une grande négligence, ou plutôt et j'aime mieux à le croire, ses lettres auront été égarées. Nous n'avons pas reçu non plus de lettre d'Auguste depuis son départ de Lyon mais cela ne m'étonne pas, car il est probable que vu la guerre à laquelle il ne s'attendait pas lorsqu'il nous écrivait, il n'aura fait aucun séjour à Milan et qu'il aura été de suite envoyé à Pérouse, ville pour laquelle il était destinée et qui se trouve être dans le moment le quartier général de l'armée de Rome[2]. Ainsi il pourrait encore se passer quelques jours avant que nous ne recevions de ses nouvelles. Je vous promets qu'aussitôt que j'en aurai je vous en ferai part. Mais tranquillisez-vous à cet égard.

Ce que vous me mandez par rapport à l'enfant de Montfleury[3] me fait bien de la peine. Cette nourrice nous a bien trompés, si tout ce que vous me mandez est vrai ! elle avait, disait-elle, trois vaches. Son mari était jardinier et elle blanchisseuse. On n'était pas convenu de donner du savon. on lui en a envoyé une fois comme par gratification. On ne doit absolument rien au meneur[4]. On a payé à la femme tout ce qu'on pouvait lui devoir pour son voyage. Ce sont des gens de très mauvaise foi à ce qu'il paraît. Je vous prie de faire en sorte d'y aller et tirez-le de si mauvaises mains si besoin est.

Je suis bien contristé aussi de ce que vous me mandez de ma sœur testu[5]. A la première occasion je lui écrirai ainsi qu'à mes tantes d'Oisemont[6]. Je vous remercie de me rappeler de temps à autre à leur souvenir, je ne les oublie pas moi-même.

Je n'ai point de Raison pour aller à la Rencontre de Duméril. Sa femme m'a paru très malhonnête la seule fois que je me suis trouvé avec elle depuis son mariage[7]. Que voulez vous que je fasse ? Je n'ai point de tort vis-à-vis de lui. La place qu'il attend, sans beaucoup se remuer, ne vient guère vite. Cependant il ne tardera pas à être un peu à son aise. Sa belle-mère qui, à 60 ans, vient d'avoir la petite vérole – maladie qui lui a fait perdre un œil – et qui avait auparavant un ulcère à la matrice, ne relèvera pas de l'état où elle est. Elle a perdu la tête. Cette femme n'a que deux filles dont l'une est mariée à Duméril. La première a eu une dot en assignats de 30 000, qui pouvaient valoir 10 000ll. La mère a un très beau mobilier et elle jouit dit-on de 2 400ll de rente. Vous pouvez juger de ce que sera la fortune. Il reviendra encore un héritage du côté de la grand-mère. Il est très malheureux dans ce moment. Je suis sûr qu’il doit beaucoup car il a emprunté de toutes mains.

Je vous ai mandé je crois que mon traitement de prosecteur était augmenté d'un quart. Je n'ai encore touché qu'un mois de cette année. L'imprimeur nous fait éprouver aussi un petit retard. Heureusement j'ai été jusqu'ici. Notre ouvrage va très lentement[8], nous ne sommes encore qu'à la douzième feuille in-16 du premier volume. Cet ouvrage me laisse bien peu de temps à moi mais m'instruit beaucoup. On a voulu nous faire sortir de nos places. C'était une Cabale montée que j'ai déjoué par une autre. Nous sommes maintenant aussi fixes que les professeurs auxquels nous avons fait peur.

Je ferai en sorte de vous voir cette année. Mais souvenez-vous aussi que je peux donner maintenant deux lits chez moi. Nous ferons nos conditions. Je vous embrasse et tout le monde.

C. Duméril


Notes

  1. Florimond dit Montfleury Duméril (l’aîné), Jean Charles Antoine dit Duméril et Auguste (l’aîné), frères d’André Marie Constant Duméril.
  2. Après le traité de Campoformio, le Directoire poursuit en Italie une politique d’annexion : occupation de Rome (février 1798) et transformation des Etats de l’Eglise en République romaine, occupation du Piémont dont le roi se retire en Sardaigne (décembre 1798). Une seconde coalition européenne contre la France se forme et la guerre se mène aussi en Italie : après l’épisode de la conquête du royaume de Naples (janvier 1799) les français sont défaits.
  3. Cet enfant est le premier né de Florimond dit Montfleury (l’aîné), et porte les mêmes prénom et surnom que son père.
  4. Le meneur se charge du transport des nourrissons des familles jusqu’aux nourrices.
  5. L’aînée des enfants Duméril, Rosalie, a épousé en 1795 Augustin Testu, officier de santé à Escarbotin. André Marie Constant Duméril fait peut-être allusion à un enfant mort en bas-âge.
  6. Geneviève Duval épouse d’Antoine de Quevauvillers et Basilice Duval célibataire.
  7. Jean Charles Antoine dit Duméril s’est remarié en 1798 avec Agathe Duleau.
  8. Il s’agit des Leçons d'anatomie comparée de G. Cuvier,... recueillies et publiées sous ses yeux par C. Dumeril,..., qui paraîtront en 2 vol. in-8, à Paris, chez Baudoin, en l’an VIII (voir lettre du 12 avril 1799).

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 56-58)

Annexe

A la Citoyenne Duméril la mère

Petite Rue Saint Rémy n° 4804

A Amiens

Pour citer cette page

« Jeudi 10 janvier 1799, 21 nivôse an VII. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_10_janvier_1799,_21_niv%C3%B4se_an_VII&oldid=57421 (accédée le 22 décembre 2024).

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