Lundi 21 mars 1814

De Une correspondance familiale


Lettre de Louis Benoît Guersant (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Chenonceaux)


Paris, ce 21 mars 1814.

Malgré mon silence, mon ami, ne m’accusez pas d’indifférence ; j’ai reçu votre lettre le lendemain du départ de celle que j’avais remise à M. Dromery[1], et vous avez dû voir que je vous demandais des nouvelles de votre pauvre mère[2], ne sachant pas encore qu’elle avait succombé à sa maladie. Cette perte, toute grande qu’elle est pour un bon fils comme vous, doit être adoucie par la consolation d’avoir vu cesser les souffrances de votre chère malade.

Je vous plains bien sincèrement, mon cher ami ; mais la perte que vous avez éprouvée est dans l’ordre naturel, et de celles que nous éprouvons tous ; c’est d’ailleurs un mal sans remède.

Je reconnais bien la bonté de votre âme dans le motif qui vous entraîne à accepter la proposition de M. de Kergariou, et ce motif est en effet bien puissant ; quant aux privations que vous éprouviez en quittant Chenonceaux, vous en serez bien dédommagé, je pense, par les avantages que vous trouverez à la ville. D’ailleurs, je ne vois pas qui vous empêcherait de conserver une partie au moins des jouissances de la campagne. Habitant dans un faubourg de la ville, vous pourriez sans doute avoir un beau jardin, et tout en vous occupant un peu plus des bêtes ne pas négliger tout à fait les plantes. Ce projet me sourit beaucoup pour vous, mais je voudrais connaître mieux les lieux et les habitants des lieux pour vous donner un conseil : je ne suis pas, en vérité, en état d’apprécier de bonne raison le désir que j’ai de vous voir à Tours. Je ne vois que les avantages d’un peu plus d’aisance et les moyens d’être plus utile à votre famille, et ces moyens me paraissent bien puissants ; mais je ne connais pas tous les inconvénients et les obstacles.

Je n’ai presque rien à ajouter à ce que vous écrit Duméril[3] pour ce qui est relatif à votre réception, si ce n’est qu’il vous est facile de faire une thèse en réunissant plusieurs propositions médicales sur des sujets différents qui vous sont bien connus. Beaucoup de thèses se font ainsi.

Duméril me disait ce matin qu’on pourrait vous faire subir deux examens par jour pour abréger le temps de votre absence. Ainsi donc, mon ami, point d’obstacles de ce côté, rien de plus facile. Dépêchez-vous donc, mon ami, vite, brochez votre thèse et arrivez. Nous causerons ici plus à notre aise.

Pressé, je vous embrasse de cœur et vous prie de faire agréer mon respect à Mme Bretonneau.

Tout à vous.

Bien des compliments de la part de ma femme.


Notes

  1. M. Dromery est un voisin de Bretonneau en Touraine.
  2. Elisabeth Lecomte, veuve de Pierre Bretonneau (le père).
  3. André Marie Constant Duméril (voir lettre précédente).

Notice bibliographique

D’après Triaire, Paul, Bretonneau et ses correspondants, Paris, Félix Alcan, 1892, volume I, p. 219-221. Cet ouvrage est numérisé par la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (Paris)

Pour citer cette page

« Lundi 21 mars 1814. Lettre de Louis Benoît Guersant (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Chenonceaux) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_21_mars_1814&oldid=43169 (accédée le 21 novembre 2024).

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