Lundi 19 avril 1830 (A)
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Le Havre)
Lundi 19 Avril 1830
Je n’eus que le temps d’écrire à ta tante[1] hier mon cher et bon Constant, aujourd’hui je ne veux pas laisser partir le courrier sans qu’il ait quelque lignes pour toi. Ma lettre d’avant-hier a dû te faire voir que j’étais préparée au coup douloureux qui nous attendait tous, mais la chose n’en est pas moins une chose bien déchirante et cette intéressante Sophie laisse des regrets bien vifs dans le cœur de ta tante ; je l’aimais pour tout ce que je connaissais d’aimable en elle ; je l’aimais aussi pour tout ce qu’on m’en disait ; Je sentais comme tous les siens, combien chaque développement qui se faisait en elle rendait ce caractère plus attachant encore ; Il est aisé de deviner quel vide énorme elle va faire à sa mère ; on ne peut penser à cela sans une bien vive peine. Elle nous manquera prodigieusement à tous, je sens parfaitement mon cher Constant qu’il y aura une grande tristesse pour toi dans la maison ; cette jeune cousine qu’il fallait exciter à payer un peu plus de sa personne dans la société puisque par goût elle se tenait toujours à l’écart, et qui malgré ces petites attaques montrait toujours de la douceur et de la bonté, était dans la maison un objet d’intérêt de tous les moments par cela et par toutes ses charmantes qualités. La lettre de mon frère[2] à Henri est bien touchante et a renouvelé mes larmes ce matin. Ce pauvre bon Henri est arrivé près de nous entre 10 et 11 aujourd’hui ; Auguste[3] (qui se sentant bien mieux) est retourné hier soir à Fontenay était chargé d’un billet de moi à M. Arnauld pour demander de laisser venir Henri à la maison pendant deux jours, car nous avions pensé qu’après une semblable nouvelle, celle qu’il allait recevoir, il avait besoin d’être un peu avec <> et qu’il serait bon qu’il <> moment d’absence de <> demande lui a été agréable <> l’a fait partir de <> qu’il retournera demain soir ou <> demain matin. Il est bien triste et je crois qu’il sentira longtemps la perte d’une aussi bonne sœur avec laquelle il se trouvait presque en rapport d’âge. Nous nous sommes occupés tout de suite de faire venir son tailleur et de commander des habillements de deuil. Il vient d’écrire à son père, et va aller un moment chez les Delessert. J’eus hier la visite de M. et Mme François Delessert[4] qui croyaient bien trouver Henri avec nous.
Quelle cérémonie lugubre vous aurez eue aujourd’hui ou vous aurez demain, tu me donneras quelques détails là-dessus, car ils m’intéressent beaucoup. Pauvres parents quel moment douloureux !
Mon cousin Say[5] ne se remet pas complètement de son accident, ce qui donne bien du souci à ses enfants. La pauvre Octavie [6]< >
Adieu mon bien bon fils, je souhaite qu’il te revienne promptement bien de l’occupation, car c’est ce qui distrait le mieux. Je t’embrasse de tout cœur.
Ton Père[7] a été vivement frappé aussi par les nouvelles d’hier, sa mine n’est pas tout à fait aussi bonne qu’à son arrivée, cependant il se sent assez bien et ne tousse presque plus.
Notes
- ↑ Cécile Delessert, épouse de Michel Delaroche, qui vient de perdre sa fille Sophie (née en 1814).
- ↑ Michel Delaroche, père de Sophie, au Havre, à son fils Henri (né en 1816), à Paris.
- ↑ Auguste Duméril, frère de Louis Daniel Constant.
- ↑ François Marie Delessert et son épouse Julie Sophie Gautier.
- ↑ Jean Baptiste Say.
- ↑ Octavie Say, fille de Jean Baptiste.
- ↑ André Marie Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Monsieur Constant Duméril, chez Monsieur Delaroche au Havre.
Pour citer cette page
« Lundi 19 avril 1830 (A). Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_19_avril_1830_(A)&oldid=59925 (accédée le 7 novembre 2024).
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