Lundi 19 août 1918
Lettre de Damas Froissart (au Bourdieu à Bègles) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
Le Bourdieu
Bègles
Gironde
Le 19 août 1918
Mon cher Louis,
Je veux t’avoir écrit de ce home que j’habite depuis hier (en compagnie des DeGroote[1]) et que je quitte demain, non pas pour être mieux ailleurs, car où peut-on être mieux, par la chaleur persistante, qu’à 20 mètres des bords de la Garonne laquelle a 500 à 600 m de largeur, laquelle monte de 2 ou 3 m à chaque marée, qui circule au milieu de Collines agréablement [hautes]. Nous ne dominons pas ici et il arrive que les fortes marées [font] monter l’eau jusque dans notre jardin mais notre maison qui est portant un « moulin à café » énorme disparaît sous la cime des gros arbres très ombreux qui l’entourent.
Mais sans la sécheresse qui a fait mourir l’herbe au moins jusqu’aux prochaines pluies, nos larges allées seraient inabordables vu qu’on n’a pas ratissé les dites allées depuis plusieurs années. Plus d’herbe verte dans cette région ! on n’en voit plus : Ce qui devrait être du regain est un champ roussi d’herbe morte, aussi bien dans le pré que dans les allées précitées.
Et toi, où es-tu ? il est probable que tu n’es pas [resté] à un paysage déterminé (pas plus qu’à un lit déterminé ?) et que tu en changes souvent. Où es-tu ? j’ai le sentiment que tu défends au sud de la Marne si tu n’attaques pas au Nord de la même Marne. Dans les 2 cas, la fraîcheur que tu peux tirer du voisinage de la Marne est restreinte et je vous plains d’avoir, outre la fatigue du Combat, à supporter « pondus Diei et aestus[2] ».
Ta mère[3] t’aura continué ce que j’ai pu te dire de ma lutte pour récupérer notre maison une 2e fois. J’ai eu à supporter plus de 20 jours de lutte contre une propriétaire astucieuse qui a fait croire à l’EM[4] requérant (en exhibant un bail non signé d’elle) que nous n’étions pas d’accord !
La présence d’un huissier remettant du papier timbré a marqué le commencement de la sagesse. Nous payons 200 F par mois d’une propriété dont [ ] offert 800 F depuis, tant on afflue ici, et qu’on vendrait peut-être au très gros prix si elle était resté libre de bail.
Je ne te dirai rien de tes frères[5] dont je ne sais rien de très frais. Une lettre de Michel du 9 juillet le montre cependant en meilleure santé. Il a été très fiévreux.
De Pierre je ne sais qu’une chose, c’est qu’il était, il y a quelques jours, là où il a passé les 3 premiers mois de 1915 quand nous le cherchions à Epernay, il était parti vers [Revigny] ?
Tu sais que le pauvre Maurice Vandame paraît avoir été tué à Lassigny, que Victor Blaud [(Le Roux)] serait mort des suites de ses blessures.
Les Colmet Daâge[6] partaient : leurs bagages étaient partis dans une plage de Normandie. La Bertha les a immobilisés à Ecuelles, paraît-il !
Mille amitiés
D. Froissart
Notes
- ↑ Lucie Froissart, son époux Henri Degroote et leurs enfants : Anne Marie, Georges, Geneviève, Odile et le nouveau-né Yves Degroote.
- ↑ « le poids du jour et de la chaleur ».
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
- ↑ EM : État-Major.
- ↑ Jacques, Michel et Pierre Froissart.
- ↑ Guy Colmet Daâge, son épouse Madeleine Froissart et leurs trois fils : Patrice, Bernard et Hubert Colmet Daâge.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 19 août 1918. Lettre de Damas Froissart (au Bourdieu à Bègles) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_19_ao%C3%BBt_1918&oldid=56875 (accédée le 18 décembre 2024).
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