Lundi 17 octobre 1864
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Morschwiller) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Morschwiller 17 octobre 64
Ma chère petite Gla,
Je n’ai pas eu le temps de t’écrire ce matin avant notre départ[1] et cependant je voulais te remercier de suite de ta bonne lettre et t’annoncer mon petit envoi de poires. C’est fort peu de choses et je vous demande pardon d’oser vous expédier quelque chose qui n’en vaut réellement pas la peine, mais j’ai eu tant de plaisir à m’occuper de vous, qu’il est impossible que vous n’ayez pas aussi quelque plaisir à déballer ces fruits. J’espère que le tout arrivera en bon état, dis-le moi sans crainte ; j’ai tout emballé moi-même, et j’aimerais à savoir la vérité. Dans le fond vous trouverez des petites poires qui, dit-on, se gardent jusqu’à la Pentecôte, en attendant les faire cuire à mesure qu’elles jaunissent, puis quelques pommes d’apis et le pour le reste, vous saurez que les fruits d’Alsace se mangent comme ceux de Paris quand ils sont mûrs, c’est à la maîtresse de maison à en juger. Voilà beaucoup bruit pour peu de besogne.
Comme vous devez être contentes maman[2] et toi de vous retrouver de causer ! J’aimerais bien à pouvoir me glisser entre vous et à me mêler à vos conversations. Embrasse maman, pour moi, comme j’aimerais encore à le faire, et comme j’espère pouvoir encore le faire avant l’hiver.
Comment as-tu trouvé maman ? Et Julien[3] tu ne m’en parles pas ?
Et toi je suis enchantée de ce que tu me racontes de tes visites à de pauvres familles, c’est là une des plus grandes jouissances qu’on puisse se donner indépendamment du bien qu’on fait réellement.
Pauvre femme ! Ici je prétends que je ne fais rien, je voudrais pouvoir être utile à tous ! lorsque je dis cela Charles[4] me gronde, et me demande ce que je voudrais de plus, que je suis trop ambitieuse, que lui il est content et que tout le monde est de son avis, que si je cela me remonte et je me trouve bien heureuse, ils sont tous si bons pour moi.
Notre venue ici est une véritable fête et chacun de me charger de mille choses pour vous. Mme Duméril[5] me dit sur toi toujours des choses excellentes et que je pense encore plus qu’elle. Elle me charge de t’envoyer leur <portrait>.
Te parlerais-je cuisinière, c’est ma petite croix ! ah celle-là ne partage certainement pas l’opinion qu’on dit avoir de ta sœur. Nous ne sommes que des avares, et moi quelque chose à l’avenant ! à la première occasion nous tâcherons de nous en débarrasser et de plus elle prise !
J’ai écrit à Bathilde[6] en lui envoyant nos photographies. Etait-ce bien Raymond qui répondait au nom de Duval que j’ai lu dans le journal[7]. Si tu désires des portraits des enfants[8] pour donner à la famille ou aux amis intimes je t’en enverrai, à toi de juger à qui nous devons en donner.
Il me faudra des chapeaux pour les enfants, je pensais à une capote en velours noir, ça pourrait aller avec les robes violettes (que tu as toujours) et puis avec les robes bleues. Enfin dis ce que tu voudras, il faudrait je crois que tu t’occupes de mon chapeau de toujours parce que le froid commence à se faire sentir aux oreilles, et je ne voudrais pas entamer mes chapeaux d’été puisque je ne les ai pas encore mis.
Adieu, ma maman chérie et ma petite Gla, vous savez comme je vous aime. Embrassez-vous mutuellement pour moi.
Mes amitiés à tous les autres que tu sais,
ta sœur amie
Eug.
J’ai reçu un petit mot de Mme Clavery[9] ! ma lettre a été perdue. C’est pas de chance. Il faudra recommencer. Constance[10] m’a écrit. Dis-lui que sa lettre m’a fait bien plaisir. La plus grande caisse est pour toi et les 2 petites sont pour maman, au reste vous pouvez vous arranger à l’amiable.
donnez-moi de vos nouvelles
Notes
- ↑ Les Mertzdorff viennent de Vieux-Thann visiter les Duméril à Morschwiller.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Bathilde Prévost, épouse d’Alphonse Duval, cousine.
- ↑ Allusion probable à François Raymond Duval, père d’Alphonse Duval.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles.
- ↑ Amica Le Roy de Lisa, veuve d’Amédée Clavery.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse, cousine.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 17 octobre 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Morschwiller) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_17_octobre_1864&oldid=40302 (accédée le 21 novembre 2024).
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