Le Havre : La Côte (Seine-Maritime)

De Une correspondance familiale


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Jean-Baptiste Camille Corot, Le Havre. La mer vu du haut des falaises, vers 1830, huile sur toile (H : 0,235 m, l : 0,4 m)

Musée du Louvre, donation Étienne Moreau-Nélaton © 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

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Le port et la ville du Havre constituent l’un des pôles majeurs de cette correspondance, en grande partie fondé sur la carrière de Michel Delaroche, beau-frère d’André Marie Constant Duméril. Dès le début du XIXe siècle (1802), le négociant alors âgé de 27 ans y fonde une maison de commerce. Le blocus continental l’amène à transporter son comptoir à Nantes où les relations internationales s’avèrent plus aisées. En avril 1814, la famille Delaroche revient au Havre, d’abord au 33 rue des Viviers (actuellement rue de Paris) où est reçu Lafayette. En 1816, elle s’installe à Ingouville, dans le quartier résidentiel des armateurs et négociants qui domine la ville, appelé « La Côte ». Michel Delaroche y fait construire une riche demeure au numéro 53 avec vue sur la mer et jardin en terrasse descendant jusqu’à la rue de Montivilliers. Il y accueille à nouveau Lafayette en 1824 puis Louis-Philippe en 1831. Avec l’achat de bateaux, le comptoir havrais développe ses activités dans le commerce du coton avec les Etats-Unis, la Havane et le Brésil. Lorsque Alphonsine Duméril accompagnée de ses deux petits garçons rend visite aux Havrais en septembre 1816, elle est impressionnée par les relations internationales entretenues par son frère.

La fille aînée du couple Delaroche, Mathilde, se marie avec un négociant havrais, Louis François Pochet, tandis que la deuxième, Pauline Elise épouse un anglais, Charles Latham. Ce couple s’installe à Londres, puis rejoint Le Havre en 1829 pour y développer le commerce de l’indigo et de divers produits exotiques. Tout en restant lié à la fratrie anglaise, Charles s’intègre à la société des notables du Havre et devient président de la Chambre de Commerce du port. Entre 1826 et 1842, il fait construire un pavillon dans le quartier de La Côte (au 189 de l’actuelle rue Félix Faure), à l'emplacement d'une ferme, entouré de communs, d’un parc et d’un jardin potager, le tout cerné de murs. Autre enfant Delaroche, Henri suit les traces de son père et devient aussi négociant au Havre.

En 1841 et 1842, André Marie Constant Duméril profite de l’hospitalité de son beau-frère pour visiter la ville et différents sites avoisinants. Il y découvre les industries, les villages, et la vie sociale havraise qui s’organise autour du Cercle du commerce, de l’hôtel Frascati ou des Régates nouvellement organisées sur le modèle anglais. Le chemin de fer qui arrive à Rouen en 1843 (puis au Havre en 1847) facilite les déplacements. Michel Delaroche sert de guide au savant et l’escorte en 1844 dans un voyage d’une semaine à Londres.

Notable local, Michel Delaroche remplit différentes charges : conseiller général de la Seine Inférieure en 1818 ; député de 1819 à 1824, puis de 1831 à 1834 ; maire du Havre, nommé par le roi, du 8 septembre 1830 au 25 décembre 1831 ; président de la chambre de commerce du Havre de 1830 à 1848 et président du tribunal de commerce à trois reprises.

Au Havre se retrouvent des membres des familles alsaciennes Koechlin, Risler ou Dollfus, qui sont en relation avec la famille Mertzdorff de Vieux-Thann.

Parmi les attractions du Havre citées dans les lettres :

Le Frascati

Ouvert en 1812 à l’entrée du port, le Frascati propose des bains « à la lame » : à l’aide de cabines en bois à roulettes, les « curistes » sont déposés directement dans les vagues et peuvent ainsi profiter des vertus de l’hydrothérapie sans être vus de l’extérieur. L’établissement subit des travaux de rénovation en 1839 et se transforme en hôtel doté d’une centaine de chambres. Une vie de mondanité et de distraction se dessine alors dans ce qui est en passe de devenir l’endroit où il faut être et où il faut être vu.

Le Frascati est surtout un lieu de passage pour les grands de ce monde qui y logent en attendant le départ d’un paquebot transatlantique : Victor Hugo, Honoré de Balzac, Sarah Bernhardt, Alexandre Dumas ou encore le baron de Rothschild et l’impératrice d’Autriche Sissi y ont séjourné. On met à la disposition de ces clients privilégiés des salles de bal, de concert et de gymnastique et un cercle de jeu qui se transforme en véritable casino dès 1871, lorsque l’établissement est reconstruit en pierre et agrandi. Les cartes et le billard, parfois les petits chevaux, font partie des jeux autorisés et alimentent les fêtes brillantes très prisées des touristes. Le Frascati est démoli en 1953 pour faire place au musée Malraux, inauguré en juin 1961 par André Malraux lui-même.

Les Régates

Dès 1836, la Bourse du Havre lance une souscription pour organiser une « Regatta » à l'image de celles qui se déroulent Outre-Manche. La Société des Régates du Havre est constituée en 1838, en liaison avec la création de l'hôtel et des bains Frascati, pour attirer les baigneurs ; elle organise une course de canotiers. La première régate à l'aviron a lieu avec grand succès le 18 août 1839 et attire 12 000 spectateurs. Le 29 juillet 1840 sont organisées des régates de bateaux de plaisance à voile, avec des départs par catégories groupant les bateaux selon leurs caractéristiques et leurs pénalités. Ce fut la première régate française à voile. L’année suivante, les courses sont ouvertes à des amateurs sur des « gigs » (robustes embarcations à rames utilisées pour guider les navires à bon port dans les îles Scilly, au large de la Cornouailles) ; les équipages anglais y font scandale car ils concourent en caleçons de bain. A partir de 1842, les Régates bénéficient du soutien du prince de Joinville (troisième fils de Louis-Philippe). Leur succès est amplifié par l’arrivée du chemin de fer au Havre en 1847. Louis Napoléon Bonaparte y assiste en 1849 tandis que Jérôme Bonaparte (frère de Napoléon) en assume la présidence d’honneur. Le grand port normand devient la « coqueluche » des parisiens.

Dans sa lettre du 2 juillet 1841, André Marie Constant Duméril parle à la fois des régates et de sa visite à la « belle campagne » de M. Boisgérard. Ce négociant, maire d’Ingouville est également président de la Société des Régates en 1842.

Sainte-Adresse

En 1838, Charles Massas établit un projet d'établissement de bains avec casino et jardin anglais sur les éboulements de la falaise. Le bâtiment principal aurait eu deux étages carrés, avec ailes, salles de jeu, cour d'honneur et terrasse semi-circulaire sur la mer, dans le style de la Renaissance et orné de statues ; ce projet n'est pas réalisé mais en 1846 sont établis au même endroit les bains du Château Vert ou de Sainte-Adresse ; l'établissement comprend un pavillon construit en galets agglomérés avec du mortier de chaux ; fermé peu de temps après, l'établissement ouvre à nouveau en 1851 et est complété par un hôtel en 1859 ; il comprend aussi un parc à huîtres, des tentes et pavillons de bois ; il disparaît en 1880 avec la construction du boulevard Maritime.


Pour citer cette page

« Le Havre : La Côte (Seine-Maritime) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Le_Havre_:_La_C%C3%B4te_(Seine-Maritime)&oldid=56501 (accédée le 28 mars 2024).

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