Jeudi 30 juin et vendredi 1er juillet 1859

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son père Louis Daniel Constant Duméril (Paris)


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Vieux-Thann

30 Juin 1859

Mon cher père

Nous avons bien reçu tous les envois que tu as bien voulu nous faire, les couvertures qui nous conviennent tout à fait sont arrivées depuis deux jours et la petite caisse est ici depuis hier matin. Aujourd'hui, nous vous la réexpédions avec des choses à Charles[1] qu'il t'expliquera lui-même ; j'y ai joint de la toile pour les chemises de Charles mais maman[2], qui j'en suis sûre a acheté elle-même cette toile à Paris n'en retrouve que la moitié, il y en a 6 mètres dans ce que je vous envoie, je n'ai pas encore pris les mesures à mon époux, ce sera pour la prochaine lettre ; vous trouverez aussi un petit paquet qui est destiné à Alexandrine[3], ce sont 6 petites chemises, 2 brassières en piqué et 6 petits bonnets que j'ai taillés mais que je n'ai pas eu le temps de confectionner, puis une longue bande en calicot pour faire des bandes de ventre ; je prierai maman de vouloir bien lui faire remettre ce petit paquet qui lui prouvera que je pense toujours à elle et mets de l'intérêt à l'événement qui se prépare pour elle.

Vendredi matin

Je n'ai pu finir cette lettre hier parce que j'ai été interrompue et je suis vraiment honteuse en pensant que je vous laisse si longtemps sans nouvelles ; je suis pourtant bien contente que vous en ayez eu par mes amies[4] avec lesquelles j'étais aussi bien en retard. Je ne sais réellement comment les journées s'envolent mais les choses se succèdent si vite que le temps est absorbé comme par magie. Lundi j'ai enfin conduit la petite[5] chez Mme Henriet[6] où la rougeole est bien passée ; elle a eu grand plaisir à voir notre chère enfant qui devient vraiment bien gentille, je ne puis te dire combien je suis heureuse en pensant au plaisir que vous donnera ce petit être dont l'intelligence se développe chaque jour. Elle me reconnaît à merveille maintenant et fait mine de téter dès qu'elle me voit ; Charles me disait hier qu'il ne croyait pas qu'elle pût être mieux qu'elle n'est en ce moment. Elle a une force et une activité qui font plaisir à voir ; quand on lui donne les deux mains elle fait pour se lever des efforts qui sont curieux et elle parvient souvent à s'asseoir ce qui lui fait grand plaisir. Lorsqu'elle est réveillée ses bras et ses jambes ne sont pas une minute en repos ; par ces chaleurs nous la laissons en liberté dans son berceau et elle en profite. Chaque jour on la lave de la tête aux pieds à l'eau froide. C'est un exercice qu'elle ne craint pas du tout, quoiqu'elle fasse de bien petits yeux quand l'éponge se promène sur sa figure ; elle est moins affamée maintenant ce qui nous fait croire que mon lait est devenu plus nourrissant, elle mange deux soupes au plus et souvent avec de grandes difficultés ; les coliques la laissent tranquille depuis quelques jours, nous lui avons donné un peu de magnésie qui lui a fait grand bien. Cette petite coquine fait notre joie à tous et nous sommes souvent tous trois[7] autour de son berceau, ce berceau vient de Jeanne <Henriet>, c'est un grand berceau en osier doublé de perse verte avec une capote et posé sur de toutes petites roulettes de sorte qu'on promène mademoiselle de chambre en chambre et lorsqu'on ne va pas assez vite elle sait fort bien le montrer avec son <petit> bras et son poing fermé ! Maman me demande toujours des détails j'espère qu'en voilà sur cette petite fille qui réunit tant d'affections. Voilà ma tante[8] partie.

Je compte toujours écrire à mon cher petit frère[9] pour le remercier de son joli souvenir en attendant je l'embrasse bien fort. Pardon du griffonnage mais je suis toujours interrompue.


Notes

  1. Charles Mertzdorff, mari de Caroline.
  2. Félicité Duméril.
  3. Alexandrine, domestique.
  4. Eugénie et Aglaé Desnoyers.
  5. La petite Marie Mertzdorff est née le 15 avril 1859.
  6. Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
  7. Les parents et la grand-mère Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  8. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  9. Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 30 juin et vendredi 1er juillet 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son père Louis Daniel Constant Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_30_juin_et_vendredi_1er_juillet_1859&oldid=51623 (accédée le 15 novembre 2024).

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