Jeudi 29 décembre 1870

De Une correspondance familiale


Lettre de Jules Desnoyers, avec quelques mots de son épouse Jeanne Target (Paris) à leur fille Eugénie, épouse de Charles Mertzdorff, qu’ils croient à Bâle


original de la lettre 1870-12-29 page1 et adresse.jpg


Paris, 29 décembre 1870

Ma chère Eugénie

Quoique toujours incertains que nos lettres vous parviennent nous ne voulons pas laisser finir cette triste année sans vous redire combien nous pensons à vous et combien nous sommes tourmentés d'être depuis plus de quatre longs mois privés de vos nouvelles et combien nous payerions cher quelques mots de vous, apportés sous l'aile de ces braves pigeons qui ont déjà rassuré tant de familles.

où êtes-vous tous quatre[1] ? qu'êtes-vous devenus depuis votre pénible départ  nous vous écrivons tantôt à Bâle, tantôt à Vieux-Thann et nous ne savons si vous avez reçu une seule de nos 20 ou 30 lettres. Nous ne savons si vous avez appris par nos lettres la mort de M. Auguste[2] et si vous avez pu l'annoncer à ses deux <  > de son côté cette pauvre Mme Auguste[3] est dans la même incertitude et sa fille[4] n'a pas le moindre signe de vie de son mari. Les santés sont bonnes et si cette lettre te parvient vous pouvez le dire <  > quant à nous nous continuons tous de nous bien porter : Ta bonne mère[5] avec son courage et sa prévoyance <est positivement> infatigable. Ta sœur[6] avec le même dévouement pour les deux ambulances (jardin et Sorbonne) auxquelles elle donne ses soins. Julien[7] toujours bien portant et entrain au même fort. toujours <> <qu'on redoute> pour les sorties et même nous vient autant que possible tous les 15 jours. Alfred[8] parti ce matin avec la compagnie de <mobiles> dont il fait partie ainsi que Jean[9]. Il est parti pour 4 jours, plein de courage. Alphonse[10] avec la compagnie d'éclaireurs dont il est depuis 15 jours, passe deux fois par semaine 24 heures du côté de Saint Cloud ou de Passy. Il n'est point trop fatigué et fait en même temps son cours. Jusqu'ici les santés de toute notre maisonnée sont pareillement bonnes. On a toujours courage confiance et espoir. Le bombardement des forts est commencé depuis 2 jours du côté de l'Est mais nous sommes sans inquiétudes tant nous sommes bien <montés>. Malgré les réquisitions nécessaires pour faire durer l'entretien des 2 millions de parisiens, on se soutient encore bien, grâce à la modération et à la prévoyance mais les pauvres pour lesquels la ville le gouvernement et les plus aisés font tant, souffriraient bien sans ces secours. Nous sommes sans nouvelles de nos armées de secours. Nous attendons nous espérons et nous comptons surtout sur notre patience, notre persévérance et les courage de nos braves défenseurs.

Nous avons eu des nouvelles par M. Lafisse de sa femme[11] et de Mme pr[12] qui sont bien portantes à <Rouen> ; <ainsi que> de Marie B[13] et de sa belle-sœur[14] qui étaient à Tours depuis plusieurs mois. M. <B[15]> < > <dans les Vosges> sans avoir pu donner de ses nouvelles

Le <désir> que ce mot vous parvienne m'empêche de vous donner aucune autres nouvelles ; qui d'ailleurs sont toutes bonnes. Nous vous embrassons comme nous vous aimons, et nous espérons que l'année qui va bientôt commencer nous rendra ce bonheur de famille dont nous sommes privés par votre silence et nos inquiétudes. nous n'osons point penser aux réquisitions de la Guerre sur vos fabriques. Bien que les fautes soient <énormes>, Dieu aidera pour le reste avec <  > de ton excellent mari. <adieu> <     > ma bien chère Eugénie ta bonne mère, ta sœur, ton frère et moi ne faisons qu'un pour t'assurer de notre bien tendre affection. Ton père tout dévoué

J.D.

Toutes nos affections à nos amis Duméril[16] et Georges[17].

Notre dernière lettre vous a été adressée à Bâle vers la fin de la semaine dernière, la précédente par ta bonne mère, l'avait été à Thann.

On ne sait pas du reste où Alfred a été envoyé ce matin.

Le froid si vif des jours passés a un peu diminué. Ce qui serait bien désirable <> ! et vous combien vous pourrez en souffrir au milieu <> froide <saison>

Ma chérie bien que ton bon père l'écrive en notre nom commun, je veux te dire mes tendresses et les vœux de ta mère pour vous tous mes chers enfants. Mère amie AD.


Notes

  1. Eugénie Desnoyers, son époux Charles Mertzdorff et les petites Marie et Emilie Mertzdorff.
  2. Auguste Duméril.
  3. Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
  4. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Julien Desnoyers, mobile au fort d’Issy.
  8. Alfred Desnoyers.
  9. Jean non identifié.
  10. Alphonse Milne-Edwards.
  11. Constance Prévost épouse de Claude Louis Lafisse.
  12. Amable Target, veuve de Constant Prévost et mère de Constance.
  13. Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
  14. Probablement Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target.
  15. Possiblement Louis Joseph Buffet.
  16. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  17. Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.

Notice bibliographique

D’après l’original

Annexe

Ballon monté

Madame Charles Mertzdorff

à Bâle (Suisse)

(poste restante)

(par Lyon et Genève)

Pour citer cette page

« Jeudi 29 décembre 1870. Lettre de Jules Desnoyers, avec quelques mots de son épouse Jeanne Target (Paris) à leur fille Eugénie, épouse de Charles Mertzdorff, qu’ils croient à Bâle », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_29_d%C3%A9cembre_1870&oldid=51681 (accédée le 18 décembre 2024).

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