Jeudi 18 août 1791
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
N°9
Rouen ce 18 Août 1791
Maman,
Je prends mes précautions ; je ne veux pas être pris au dépourvu. Vausour m’a dit devoir repasser dans huit jours, je veux profiter de cette occasion. Savez-vous bien que je m’en donne ici. Je viens de faire une herborisation de 3 jours. Je partis dimanche avec dom Gourdin de Noyon, ancien bénédictin de l’Académie de Rouen, de Londres, de Stockholm, de Caen, je ne m’en souviens plus mais il est de huit académies. J’étais habillé proprement. J’allai le prendre chez M. Goub qui est au district comme M. Delaporte. J’y trouvai M. Lemonnier premier peintre de la France. Monsieur Goub me força de déjeuner, ce que je fis. De là, je partis avec dom Gourdin rejoindre M. Thillaye à 2 lieues de Rouen sur le bord de la Seine.
Il avait couché dans la maison où nous allâmes dîner ; c’est chez le grand-papa d’un de mes rivaux en Botanique. Nous avions presque tous notre domestique à nous servir. C’est un homme fort instruit dans tous les genres, mais surtout botaniste, amateur d’oiseaux empaillés et d’insectes. Nous vîmes ses trois collections qui sont superbes. De là nous allâmes chercher, en herborisant chez le secrétaire perpétuel de l’académie de Rouen, homme fort âgé et goutteux. C’est M. Dambourney qui fit un ouvrage sur la teinture fort estimé et imprimé aux frais du Gouvernement. Il s’occupe maintenant à faire servir aux mêmes usages que l’indigo, un bleu qu’il a tiré d’une plante qui se trouve chez nous en grande quantité. C’est un Botaniste ; ne pouvant nous conduire, il nous donna par écrit notre itinéraire, avec une lettre de recommandation pour Elbeuf, à un monsieur chez lequel nous allâmes dîner : c’est un fabricant de Drap. Il me fit voir sa manufacture avec le plus grand détail ; c’est encore un Botaniste ; il a les plus belles plantes possibles et un jardin de Botanique, beaucoup de coquilles et de minéraux. De là, nous revînmes coucher toujours en herborisant, sur des côtes d’une prodigieuse hauteur, chez monsieur Dambourney. Parlons d’autre chose. Vous me dites de vous renvoyer deux paires de bas des plus vieux. J’aurai bien de la peine à m’y décider, cependant je vous en renverrai une avec le cendrier, mais je n’en chargerai pas les Vausour qui ont un cabriolet pour 3, j’attendrai plutôt l’occasion de Monsieur Cézille. Je crois qu’il est à Auxi-le-Château, c’est pourquoi je ne lui écris point. J’ai vu avec peine que Montfleury[1] avait quitté ses études ; il s’en repentira quelque jour. Pour moi, je ne regrette que trop souvent de n’avoir pas fait de Logique et me voilà dans un moment où j’en sentirais encore plus que jamais la nécessité. Mais à qui s’en prendre ? c’est ma faute, je le confesse et en dis mon mea culpa. Adieu je suis votre fils Constant Duméril.
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre des lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 52-54
Pour citer cette page
« Jeudi 18 août 1791. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_18_ao%C3%BBt_1791&oldid=39886 (accédée le 21 novembre 2024).
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