Jeudi 17 mars 1904
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
Rassure-toi sur le spécialiste, ma petite Mie, nous avons vu aujourd’hui cet homme terrible et il ne vous a pas coupé le cou, pas même le bout du nez ; il a même eu l’audace de me dire que ma gorge n’était pas très malade, et que des gargarismes auraient sans doute raison de mon enrouement, sinon il cautérisera ce qui reste de mes granulations et j’en ai conclu qu’elles avaient diminué depuis le commencement le mois de Décembre, sans quoi il ne m’aurait pas trouvé la gorge si peu malade. Je suis sourde encore et il a eu beau me souffler de l’air par l’oreille pour déboucher ma trompe d’Eustache, Eustache reste bouché et je suis sourde comme devant, mais je pense que cela passera tout seul avec les derniers vestiges du rhume. Michel[2] qui a aussi passé la visite a été mis au régime de l’huile mentholée dans le nez ; il lui a trouvé des végétations dont nous connaissions déjà l’existence mais elles sont beaucoup moins considérables que celles de Jacques[3] et je crois que nous les laisserons où elles sont. C’est l’avis de M. Lavrand[4]. C’est peut-être Damas[5] qui a été jugé le plus endommagé, ce qui ne l’empêche pas d’aller assister à un embarquement de nuit, après avoir passé son après-midi à cheval, aussi ne suis-je pas très contente. En réalité il y a depuis hier beaucoup de mieux sur toute la ligne, Madeleine[6] est peut-être restée la plus fatiguée, (mais il y a des raisons) quoique sa gorge soit remise. Êtes-vous rassurée chère petite sœur-maman, sur ces douaisiens qui occupent une si grande place dans vos pensées et dans votre sollicitude ?
J’ai profité de ce que j’étais sortie en voiture pour aller voir l’homme terrible pour voir en même temps Mme [Schwing] qui déballe ce soir ses modes à Douai. Je fais réarranger le chapeau des mariages pour les premières communions et fabriquer des chapeaux bleus de tous les jours à mes filles[7], pour aller avec les robes à petit écossais vert et bleu que je viens de leur commander. Les chapeaux à petites roses du mariage de J.[8] feront les frais des premières communions. Voilà une grave question décidée.
Merci de ta bonne lettre, ma chérie, je ne puis te dire combien j’en ai été touchée, je t’ai vraiment laissé trop croire que je me sentais malade, peut-être avais-je tout de même accumulé depuis quelque temps un peu trop de fatigue avec nos voyages incessants. Je me sentais fourbue ; on m’a donné un petit fortifiant qui va me redonner mes jambes et je tâcherai de ne plus tant me démener. Ce sera facile si notre mère[9] continue à bien aller comme en ce moment. Ses nuits sont redevenues bonnes et on va cesser de la veiller, elle recommence à manger un peu de pain, mais elle ne se lève pas davantage. Ma « maladie » et mes voyages m’ont procuré les loisirs nécessaires pour lire l’affaire du Collier[10], je t’engage vivement à la lire, c’est tout à fait intéressant.
Il ne me reste que la place de t’embrasser, ce que je fais très tendrement.
Émilie
Notes
- ↑ Lettre non datée, à situer après le mariage de Jeanne de Fréville le 16 mai 1903 et avant le décès d’Aurélie Parenty-Froissart le 1er octobre 1904.
- ↑ Michel Froissart.
- ↑ Jacques Froissart.
- ↑ Le docteur Hubert Lavrand.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Madeleine Froissart (14 ans).
- ↑ Lucie et Madeleine Froissart.
- ↑ Le mariage de Jeanne de Fréville avec René du Cauzé de Nazelle le 16 mai 1903.
- ↑ Aurélie Parenty, veuve de Joseph Damas Froissart.
- ↑ L'affaire du collier de Frantz Funck-Brentano (1862-1947), 5e édition en 1903.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 17 mars 1904. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_17_mars_1904&oldid=54887 (accédée le 18 décembre 2024).
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