Jeudi 12 septembre 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Clémentine Declercq (épouse de Félix Devot) (Etreux, Aisne) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-09-12 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-09-12 pages 2-3.jpg


Étreux[1] 12 Septembre 1878

Chère et bonne Félicité

Je ne puis te dire assez combien j’ai été touchée de la nouvelle preuve d’amitié que tu me donnes par ce souvenir envoyé à mes filles[2] d’un ouvrage très pratique qui doit leur être utile et leur rappeler une cousine aimée de leur mère, la plus chère des nièces de leur grand’mère[3] ; celle qui était l’amie, et qu’on a toujours montrée comme exemple à toutes les cousines. Je suis très heureuse, ma chère Félicité, que tu aies pu faire la connaissance de l’une de mes filles, il y a bien longtemps que je désirais un rapprochement qui te permet de voir mes enfants. La famille est maintenant tellement dispersée, et nous si à l’écart, qu’il faut un effort de l’amitié bien grand pour venir nous trouver. Nous serions si heureux de voir ici quelquefois des parents aimés que tant d’événements ont éloignés successivement. Je crois que l’isolement dans lequel nous vivons nous fait apprécier plus vivement le bonheur des relations de famille, et nous rend plus sensibles aux témoignages d’amitié qui nous sont donnés.

Je veux espérer avec toi que mes chères filles n’auront pas une vie trop éprouvée ; elles ont de bons maris qui les aiment, qui ont d’excellents sentiments ; les vies les plus heureuses ont toujours leurs épreuves ; j’ai la confiance que mes filles, avec leur grande piété et les qualités qui les distinguent, se montreront de véritables femmes fortes. Je vois souvent Félix[4] soucieux, le projet de rachat des canaux qui ne nous troublait pas pour nous, doit préoccuper pour notre gendre ; l’absence de fortune rend l’incertitude plus redoutable ; mais sait-on jamais ce qui est le mieux ; Dieu décide ; nous pouvons si peu dans notre destinée. M. Hervouët avec son instruction, son titre et son caractère se fera j’espère apprécier partout.

Tu sais que Sophie promet de me rendre grand’-mère fin Décembre ou commencement de Janvier[5], elle se porte à merveille et n’a eu aucune des indispositions qui accompagnent d’ordinaire une grossesse. Ce petit ménage de Landrecies est très uni et heureux ; M. Billot vient d’être pour la seconde fois, proposé à l’avancement, on peut donc espérer qu’il ne se fera pas trop attendre ; ses chefs l’aiment et l’estiment. Nous avions quelque crainte que le revenu du jeune ménage ne fut pas tout à fait suffisant, et nous voyons qu’avec l’ordre et l’économie qu’ils ont su établir chez eux ils font des économies.

J’entre avec toi dans tous ces détails intimes, ma bonne Félicité, parce que je sais que tu t’intéresses à tout ce qui nous concerne et je sais que tu les recevras avec plaisir.
Je partage bien aussi les joies qui te sont données je t’assure, et je prends le plus grand intérêt à ce que tu me dis du ménage heureux de Léon[6] et de la belle petite-fille que tu vas voir grandir sous tes yeux. Tes deux petites-filles Mertzdorff[7] doivent être maintenant de grandes jeunes filles, qui te rappellent leur mère[8] et ont, j’en suis certaine, hérité de ses belles qualités.

Notre fils Gustave[9] est toujours très content au Havre et très apprécié de son oncle[10] qui lui fait une belle position ; notre chagrin c’est d’être si éloigné de ce cher et excellent garçon ; et j’aimerais bien lui voir une bonne petite femme qui lui fasse un intérieur en nous rassurant [ici] sur bien des points qui agitent les Parents, même les plus heureusement partagés, quand leurs fils vivent loin d’eux et seuls ; mais il voit peu de monde au Havre, et les jeunes filles qu’il y connaît ne lui plaisent pas.

Au revoir, ma bonne Félicité, nous nous unissons ici pour t’adresser ainsi qu’à Constant[11] et à tes petits-enfants toutes nos meilleures amitiés.
Ta cousine,
C. Devot


Notes

  1. Étreux dans l'Aisne.
  2. Adèle Devot, épouse de François Hervouët et Sophie Devot, épouse de Camille Billot.
  3. Césarine Cumont (†), épouse de Guillaume Declercq.
  4. Félix Devot.
  5. Henriette Billot naît en janvier 1879.
  6. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler, parents d’Hélène Duméril.
  7. Marie et Emilie Mertzdorff.
  8. Caroline Duméril (†), épouse de Charles Mertzdorff.
  9. Gustave Devot.
  10. Probablement Philippe Devot.
  11. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 12 septembre 1878. Lettre de Clémentine Declercq (épouse de Félix Devot) (Etreux, Aisne) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_12_septembre_1878&oldid=57749 (accédée le 5 décembre 2024).

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