Vendredi 11 janvier 1799, 22 nivôse an VII

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)

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n° 112

Paris le 22 Nivôse an VII

Maman, je vous mandais hier, à pareille heure que je n’avais point de nouvelles d’Auguste ni de Montfleury[1]. Aujourd’hui j’en ai reçu de tous les deux. ils se portent bien et sont contents. dans le cas où vous n’auriez point reçu de lettre d’eux, ce dont je doute, je vais vous faire l’analyse de celles qu’ils m’ont adressées. ensuite je leur répondrai à tous deux.

Celle d’Auguste est datée de Milan le 10 Nivôse. il était arrivé là depuis quatre jours et devait y rester quinze avant de se rendre à Pérouse. Son voyage de Lyon à Milan a été fort agréable, sous le rapport de la société ; il était entre autre avec l’agent principal de la République Romaine[2] pour sa partie. il me décrit les sites qui l’ont davantage étonné et en particulier les précipices des montagnes de la Savoie. Il me parle de villages, de villes et particulièrement de Chambéry. il me résume les chemins et les vues pittoresques de Chambéry au Mont-Cenis. il a éprouvé lui <même> un grand danger à 3 lieues de Lanslebourg. la voiture qui le portait a été brisée et la caisse excédait d’un pied au moins les bords d’un précipice de plus de 200 pieds de profondeur. Tous ont été plus ou moins blessés. lui a éprouvé une légère foulure au bras gauche mais il ne sent plus de douleur du tout. Sa malle a été brisée, heureusement elle était enchaînée et il n’a perdu aucun effet. Le lendemain de la chute il a monté le Mont-Cenis à mulet en une heure et demie et il en est descendu dans un traîneau sur la glace à peu près en 15 minutes sans le moindre accident. il me décrit la belle campagne du Piémont qu’il compare à vos hortillonnages d’Amiens. Il préfère Turin à Paris même. il n’estime pas autant Milan. quoique plus peuplé et mieux bâti. Il dit que la Savoie étonne et effraie et que le Piémont fait naître l’enthousiasme et l’admiration. Qu’on ne voit dans le Milanais que prêtres, médecins et militaires etc. Il me charge d’annoncer à Désarbret[3] que Pécry est placé chez le payeur général de la guerre aux appointements de 2 400ll.. il m’annonce par un P.S. qu’il part sous huit jours pour Rome, où je peux lui écrire poste restante parce qu’il y demeurera une 15ne avant de se rendre à Pérouse. il me demande des nouvelles de Montfleury.

La lettre de Montfleury a été écrite à Mayence le 14 Nivôse. Il a tardé à m’écrire pour m’annoncer son installation dans la place de garde magasin principal. il est au comble de ses vœux. Il ne se dissimule pas que plus il trouve sa place avantageuse, plus il doit craindre d’en être bientôt privé. Il se console en se promettant de la remplir avec la plus grande probité et en mettant sa comptabilité dans le meilleur ordre. Il me demande des nouvelles d’Auguste. la prise de Rome par le Napolitain[4] l’inquiète. Je vais le rassurer et lui faire part de votre dernière avec ménagements et en le priant de vous écrire. Je vous embrasse aujourd’hui comme hier

Votre fils C. Duméril.

T.S.V.P.

P.S. Je réfléchis qu’Auguste pourrait vous avoir écrit ou bien que vous pourriez avoir envie de lui écrire. J’attendrai trois jours avant de lui répondre. Ecrivez-moi ou adressez-moi vos lettres poste pour poste ou le lendemain au plus tard. Je mettrai nos missives sous la même enveloppe.


Notes

  1. Auguste (l’aîné) et Florimond dit Montfleury (l’aîné), frères d’André Marie Constant Duméril.
  2. Probablement Pierre Claude François Daunou. Daunou (1761-1840), natif du Pas de Calais et fils d’un chirurgien, prêtre (1787) puis, sous la Révolution, grand-vicaire de l'évêque constitutionnel du Pas-de-Calais (1791) siége à la Convention. Nommé membre de l'Institut (1795), il entre au Conseil des Cinq-Cents (1796) où il s'y occupe en particulier de l'instruction publique et de l'organisation du Tribunal de cassation. Il est envoyé en mission à Rome (1798) où il rédige la constitution de la République romaine.
  3. Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, frère d’André Marie Constant Duméril.
  4. Ferdinand IV de Naples. La politique d’annexion de la France depuis 1798 suscite une seconde coalition qui comprend la Russie, l’Angleterre, l’Autriche, la Turquie et le royaume de Naples.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 59-61)

Annexe

A la citoyenne Duméril la mère

petite rue Saint Rémy n° 4804

A Amiens

Département de la Somme.

Pour citer cette page

« Vendredi 11 janvier 1799, 22 nivôse an VII. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_11_janvier_1799,_22_niv%C3%B4se_an_VII&oldid=35723 (accédée le 21 novembre 2024).

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