Fin mai 1890

De Une correspondance familiale


Lettre de Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou)


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Ma chère Marie,[1]

Tu m’as indiqué un parfait emploi de mon temps pour un jour de Pentecôte ; je partage maintenant l’intérêt que tu portes à cette pauvre femme et je suis dans l’admiration de sa douce résignation aux volontés de la Providence. Elle a accueilli avec reconnaissance la proposition que je lui ai faite, sans lui rien promettre pourtant ; elle m’a dit que soit que la maladie se prolongeât, soit qu’elle dût mourir, ce serait un soulagement pour elle de savoir qu’on s’occupe de placer ses enfants et de les faire bien élever chrétiennement. Les deux plus jeunes garçons sont partis à la campagne, celui de 10 ans est le seul qui soit resté à l’Assistance. J’ai vu près d’elle tous les autres, la dernière paraît bien malade, la pauvre petite est pâle, maigre, brûlante de fièvre, joli regard et encore un joli sourire. Jour et nuit, elle est dans les bras de sa mère qui ne se résigne pas à l’entendre pleurer dans son berceau et qui, malgré ses soins, n’espère pas prolonger cette frêle existence. C’était bien triste de les voir ensemble, si étroitement unies dans la souffrance. Je pars après-demain, mais à mon retour si tu as, ma chère Enfant, quelque démarche à faire et que je puisse t’aider, ne crains pas de me demander ma coopération, je suis toute disposée à venir en aide, si je le puis, à une famille si éprouvée.

Je n’ai pas cherché à détourner mes enfants[2] du séduisant voyage que tu leur proposais, ma chère Marie, mais je n’ai pas non plus poussé à la roue pour déterminer leur départ, craignant que pour Marthe un si court séjour à Launay fût plutôt une fatigue qu’un repos : deux jours sont bien insuffisants pour avoir une bonne influence. Jean voudrait la conduire avec sa fille et la laisser sous ton aile, mais je doute qu’elle consente à abandonner ainsi son mari, son oncle[3] et sa maison. Pourtant j’en serais fort aise, car ces temps orageux la fatiguent beaucoup et elle ne reprend pas meilleure mine. Enfin dans un mois, j’espère qu’elle s’installera bien tranquillement dans ce cher Launay et qu’elle y retrouvera la santé.

Commences-tu toi-même, chère Enfant, à regagner des forces et tout ton petit monde jouit-il de la campagne ?

Adieu, ma bonne Amie, je t’embrasse très tendrement ainsi que tes enfants[4].

LPC


Notes

  1. Lettre sur papier deuil. Lettre non datée, à situer après la naissance de Cécile Dumas (14 septembre 1888) et avant celle de Louise Marie Dumas (28 janvier 1891). En 1890 Pentecôte est lundi 26 mai.
  2. Marthe Pavet de Courteille et son époux Jean Dumas, parents de Cécile Dumas.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Jeanne, Robert, Charles et Marie Thérèse de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Fin mai 1890. Lettre de Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Fin_mai_1890&oldid=51526 (accédée le 18 décembre 2024).

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