Fin février 1882
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout d’Émilie Mertzdorff
Mon cher Papa,[1]
Tu dois trouver que j’ai été bien paresseuse depuis trois jours car tu attendais avec impatience des nouvelles d’Émilie[2] et je ne suis pas venue t’en donner ; cela tient à ce que, à sa porte, je n’en savais pas plus long que toi ; des petits mots de tante[3] me tenaient seuls au courant du mal de gorge car dès le 1er instant on m’avait comme toujours défendu d’entrer ; hier enfin les portes se sont ouvertes et j’ai passé un long moment à rire et à causer avec ma chère petite sœur que j’ai trouvée en très parfait état ; ce mal en somme n’a rien été et j’espère mon cher petit Papa que tu ne t’en es pas tourmenté, mais quand on est loin les choses prennent toujours des proportions plus effrayantes ; c’est je crois en moins fort ce qu’elle a eu à Vieux-Thann certain été où je me suis tant tourmentée.
Je m’apprête à partir au Jardin avec mon ouvrage, je te donnerai donc des nouvelles d’Émilie plus neuves dans un instant, toujours est-il qu’hier elle avait sa bonne figure reposée de tous les jours et qu’elle n’avait envie que de dire des petites malices, ce qui est bon signe.
Du reste tout le monde va bien ; tante qui n’a pas quitté la chambre d’Émilie pendant 3 journées, n’a pas mauvaise mine ; Jeanne[4] est débarrassée de son petit mal d’oreille et quoique ses gencives lui fassent toujours mal, elle reprend bonne mine appétit sommeil et gaieté. Du reste il n’est pas possible de n’être pas gai et joyeux aujourd’hui, il fait un si beau soleil qu’on ne peut s’empêcher d’ouvrir sa fenêtre et de lui sourire. Je viens de garder Jeanne dans le petit jardin[5] et maintenant elle est au Luxembourg avec sa pelle, car Mlle joue maintenant par terre comme une grande fille. Je suis sûre que tu la trouveras encore changée, quand tu viendras-tu, mon cher Papa, constater les progrès de ta petite-fille ? Quel bonheur ce sera de te revoir ! il n’y a que ta présence qui manque pour que le bonheur soit absolument complet.
Marcel[6] est toujours fort occupé, il a passé sa matinée à la Cour et vient d’y retourner, le soir il travaille pour ses jeunes gens. Au revoir Père chéri, je vais mettre mon chapeau puis dans un instant je viendrai t’embrasser de nouveau du Jardin.
Mon bon père, je vais tout à fait bien maintenant aussi je peux venir t’embrasser moi-même et je ne craindrai même pas de te communiquer mon mal de gorge. Il ne me manque plus qu’une chose pour me remettre parfaitement, c’est une lettre de toi. Sais-tu qu’il y a très longtemps que tu ne nous as écrit, ou du moins le temps m’a paru plus long qu’à l’ordinaire. Enfin je rêve de recevoir une lettre, cela me ferait tant de plaisir. M. Dewulf[7] n’a pas voulu que je me lève aujourd’hui parce qu’il avait peur que je n’aie froid, mais il me le permettra bien sûr demain, je vais si bien. J’ai mangé ½ pigeon à mon déjeuner. Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
Émilie
Je ne peux que confirmer les bonnes nouvelles qu’Émilie te donne mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
Marie
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil, non datée, à situer entre la lettre du 25 février et celle du 28.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne de Fréville, fille de Marie Mertzdorff.
- ↑ Le jardin du pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Fin février 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout d’Émilie Mertzdorff », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Fin_f%C3%A9vrier_1882&oldid=39747 (accédée le 22 décembre 2024).
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