Dimanche 9 mai 1875
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 9 Mai 1875.
Mon bon petit papa chéri,
C’est moi qui aujourd’hui vais venir te donner des nouvelles de la rougeole N° 2. Je me lève depuis trois jours et me porte à merveille cependant c’est la première fois que je prends la plume et je remarque que je ne sais presque plus écrire. Que je suis contente de pouvoir venir t’embrasser mon bon petit père mignon sais-tu qu’il va y avoir huit jours que tu nous as quittés ? Tu as reçu journellement de mes nouvelles de sorte que je n’ai pas grand’chose à te dire sur l’état de mon intéressante santé.
Je mange comme un ogre et hier j’ai fait seulement cinq repas
1° café au lait avec une rôtie
2° boulette avec des petits pois
3° œuf sur le plat et côtelettes
4° fraises et petit pain rapportés par tante
5° potage, veau, pommes de terre et petits gâteaux
Tu vois d’après ce menu que je ne me laisse pas mourir de faim.
Nous avons reçu ce matin ta bonne grande, chère lettre qui nous a fait bien de la peine en nous apprenant la maladie et la mort de cette pauvre Mme André[1] c’est bien triste pour nos pauvres amies[2] qui pour la première fois de leur vie éprouvent un chagrin de ce genre. Cela aura été une bien triste semaine car tu sais par Emilie[3] la terrible nouvelle de la mort de Mme Charrier[4] qui a été enlevée en trois jours par une fluxion de poitrine c’est un malheur auquel on devait s’attendre vu son âge si avancé mais cela n’en est pas moins triste pour toutes ses élèves et principalement pour cette pauvre Mlle Des Essarts. Que va-t-elle devenir avec <ses son> cours et toutes ces nouvelles dépenses et charges, on n’ose pas y penser.
Je jouis beaucoup depuis mon lever car après ces 20 jours de sommeil tout a tellement poussé que je ne reconnaissais plus rien ; le jardin vu de ma fenêtre du salon est charmant en ce moment les 2 grands marronniers sont en pleine fleur et entre leurs branches j’aperçois le marronnier rose et le grand paulownia ? tout couvert de ses belles fleurs violettes, le lilas commence à passer mais en revanche voilà l’aubépine qui commence à se montrer. Quelle jolie saison que le printemps et combien je me réjouis de sortir !
Bonne-maman[5] vient me voir tous les jours mais hier elle paraissait bien fatiguée.
Emilie est en ce moment chez Jean[6] et à la messe avec tantine[7], moi je suis dans le petit salon avec ce bon oncle[8] qui travaille à côté de moi il a été extrêmement occupé tous ces jours-ci car il commence demain son cours au jardin pourvu que ses trois leçons par semaine ne le fatiguent pas trop !
Adieu mon bon, mon excellent petit père, que j’aime énormément, si tu savais avec quelle force je t’embrasse. Je te demande bien pardon pour la saleté de cette lettre que tu ne pourras peut-être pas lire mais je constate avec regret que c’est à peine si je sais encore écrire il faudra tout rapprendre.
Ta fille qui t’aime
Marie
Emilie a écrit ce matin à Hélène[9] si je ne suis pas fatiguée je vais y ajouter un petit mot.
Que va devenir Mlle Marie[10] ?
Notes
- ↑ Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André.
- ↑ Marie et Hélène Berger, petites-filles de Marie Barbe André.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier (âgée de 78 ans).
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Le jeune Jean Dumas.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Hélène Berger.
- ↑ Possiblement Marie André.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 9 mai 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_9_mai_1875&oldid=39718 (accédée le 15 novembre 2024).
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