Dimanche 9 et lundi 10 août 1868
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)
CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]
9 Août 68
Ma chère Nie. J’ai fait le paresseux hier au soir en restant tout seul sous le frêne jusqu’à 10 h, passant en revue tout le genre humain & inhumain.
Il fait si chaud & je ne voulais pas fatiguer mes yeux qui avaient très bien fait leur devoir pendant toute la journée ou mieux la soirée après le départ de Léon[2]. Ce brave garçon est resté tout l’après-midi avec moi ce qui pour lui ne devait pas être très gai. C’était <un dur impôt> !
Entre minuit & 1 h ne trouvant pas le sommeil je me suis décidé à me mettre à la fenêtre dans la cour si tranquille je me suis amusé à observer 2 rats qui se contaient, à voir l’intérêt qu’ils y mettaient, de bien belles choses. A cette heure même il faisait une chaleur extrême.
A 6 h j’étais dans mon bain que je prolonge un peu. Aussi dans la journée le suintement, pardonnez l’expression, est fabuleusement considérable.
Ce matin Georges[3] est resté couché, il est de nouveau repris de ses douleurs de reins, comme depuis quelque temps il en a souvent. Je l’ai prêché, sa femme[4] a aussi des douleurs souvent très vives dans le dos, de faire une saison à Wattwiller. Je crois que j’y ai décidé Georges mais nullement sa femme & sais-tu pourquoi : à cause de son jardin, elle l’a remise au printemps prochain. Je m’incline devant pareille abnégation & vu le considérant légumineux je n’en parlerai plus.
Nous avons des ouvriers partout, aussi pour faire ma visite ai-je fait le tour des écoliers. Par le barrage puis à mon retour entré chez M. Berger pour mécanique & pompiers, rentré par chemin de fer & nouvelle école, aussi était-il midi lorsque je suis rentré où j’ai trouvé ta bonne lettre ; la lire, faire le petit ménage de la caisse, il était près d’une heure lorsque je me suis mis à table. Thérèse[5] prétend qu’il est temps que Madame rentre autrement j’oublierais de manger, par contre elle ne m’oublie pas, a toujours peur de trop peu faire & il y en aurait pour la semaine & plus. Si Thérèse n’avait pas petit hans[6] (le pauvre) elle renoncerait à tout jamais à faire la cuisine.
Mais voilà bientôt 2 h & je n’ai pas fait grand chose aujourd’hui.
Il est donc bien entendu que vous quittez votre Eldorado Jeudi prochain. J’espère toujours que Julien[7] puisse vous accompagner ici, cela m’éviterait d’aller vous chercher à Paris. Ce qui est quelque chose lorsqu’on est aussi fondant que moi en ce moment. Je t’assure que la perspective de vous voir bientôt toutes réunies ici, me donne un petit bien-être qui a son charme.
Je comprends maintenant le pourquoi du Vendredi & son long Carême. Si mon journal doit être complet il doit relater que tous les <lits sont au grand> soleil, ce qui d’après Thérèse fait qu’il <tonne en ce moment> & que le soleil dès qu’il voit quelque lessive ou autre sortir de la maison a soin de se cacher derrière de formidables ondées. L’on se demande à qui la faute ? La question n’est pas résolue encore. L’on frotte lave tout le haut. Le bas va avoir son tour & si je ne me gendarme pas un peu j’aurai pour seul asile de jour & de nuit que mon bureau.
Tout est d’une sécheresse désolante & la fécule aura peine à revenir à un prix abordable.
Les affaires ont l’air de reprendre un peu ; nous voyons un peu d’amélioration dans nos voitures.
Le pain est toujours cher, quoique les blés nouvaux si bons & beaux aient beaucoup baissé. Pas d’Eau, pas de farine, c’est désolant de voir l’incurie des meuniers, c’est absolument comme s’il n’y avait pas de vapeur.
Mais je bavarde toujours, il est 2 h, je te quitte te priant d’embrasser les enfants[8] & tout ton entourage. N’oublie pas de faire toutes mes amitiés à Cécile[9] tout toi
Charles
Lundi 10.
Le capitaine[10] & son lieutenant[11] (des pompiers) sortent d’ici. il s’agit d’échange de fusil. M. Berger attend sa femme[12] qui quitte Dieppe aujourd’hui même, après-demain ici. Il était moins de carême que moi & cependant il n’est pas fâché de voir rentrer.
Je ne t’écris plus à Villers tu trouveras lettre à Paris.
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Élisabeth Schirmer.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Probablement le petit Jean, domestique.
- ↑ Julien Desnoyers.
- ↑ Marie et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Cécile Besançon, bonne des petites Mertzdorff.
- ↑ Louis Berger, capitaine des pompiers.
- ↑ Probablement Jean Simon Rudolph.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 9 et lundi 10 août 1868. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_9_et_lundi_10_ao%C3%BBt_1868&oldid=60068 (accédée le 15 novembre 2024).
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