Dimanche 22 décembre 1833

De Une correspondance familiale


Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Paris) à son oncle Michel Delaroche (Le Havre)


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Paris 22 Décembre 1833

Mon cher Oncle

J’ai bien tardé à continuer ma lettre de Dimanche dernier à cause de la difficulté que j’éprouve à trouver quelques heures de suite dans la semaine.

J’ai répondu déjà de mon mieux aux trois questions numérotées que me portait ta lettre du 11 Courant ; aujourd’hui je viens te parler de l’époque la plus convenable pour une association avec M. Say[1].

Il est fort probable que l’année qui va commencer n’offrira encore que très peu de chances de bénéfices pour les raffineries qui sont certainement trop nombreuses dans ce moment pour le peu d’étendue de la consommation du pays & il est probable que deux autres raffineries vont se remettre en activité, ce sont celle de Tétard anciennement commanditée par Vassal & une autre que MM. Perier frères qui en monteraient dans le bâtiment des Bonshommes[2] en remplacement de celle de Choisy qu’ils ont tout à fait abandonnée depuis plusieurs mois & qui a suspendu ses travaux, ces deux établissements peuvent jeter ensemble une masse immense de produits dans le commerce. Le peu de possibilité de prévoir le cours des sucres bruts pour la prochaine saison rendra aussi les affaires très difficiles & même dangereuses ; il serait pourtant convenable je pense que je ne tardasse pas trop à m’associer à M. Say parce qu’il paraît le désirer & que plus tard dans un moment plus florissant il pourrait qui ne présenterait que des chances favorables il pourrait bien préférer être seul à les courir & me refuser leur partage ce qui me jetterait dans une bien fausse position Il me l’a déjà fait entendre plusieurs fois, d’un autre côté cela me sortirait d’une fausse position où M. Say me met souvent. Il me laisse main libre pour une grande quantité de choses ; il me met en avant pour tout ce qui présente des difficultés & si je ne les résous pas suivant son désir il semble dire ou si elles tournent d’une manière fâcheuse il semble l’attribuer à ce que je n’y ai pas d’intérêt direct ce qui m’est fort pénible. Une chose à laquelle je réfléchis souvent & qui me tourmente c’est de savoir si je dois chercher une association de courte durée ou demander une société pour de plusieurs années. Voici mes raisons. Constant[3] est jeune & travailleur il prend grand intérêt aux affaires, mais son caractère n’est pas encore bien assis & je crains crois que si une fois il prenait goût aux plaisirs il s’y adonnerait aussi avec grande ardeur & son travail s’en ressentirait. M. Say au contraire devient un peu singulier & il est à craindre que cela n’aille en augmentant ce qui pourrait me donner les plus grands ennuis. Voilà C’est pour cela que je recule à l’idée d’être engagé avec eux pendant plusieurs années. Si au contraire comme je l’espère les affaires présentent plus d’avantage, que Constant y reste bien attaché, que M. Say ne nous contre-barre pas je regretterai beaucoup d’être exposé à être remercié & remplacé par un des jeunes fils de M. Say frères, peut-être serait-il bon de prendre un terme moyen qui permît de juger de la stabilité des caractères & qui permît de faire une nouvelle société avant que les jeunes gens fussent en âge de se mettre à la tête des affaires[4].

Quant aux règlements de comptes avec toi mes parents[5] approuvent complètement celui que tu présentes pour le cas où je m’associerais à partir de 1834 avec M. Say. Les

F 94 281.96 que tu as à eux seraient partagés en deux sommes égales dont la moitié l’une serait de nouveau partagée par moitié entre mon frère[6] & moi & donnerait à chacun une somme de

F 23 570.49. la sienne resterait placée chez toi quant à présent & la mienne formerait ma mise serait destinée à ma mise de fonds dans la nouvelle société. Sur les

F 47 140.98 qui resteraient entre tes mains pour mes parents seraient prélevés provisoirement les

F 12 833.45 que je devrai à ta maison au 31 Décembre cette somme suffirait à les rembourser plus tard ou à les voir jusqu’à ce que je puisse les rembourser ou pour être retranchés de ma part portion dans un partage ultérieur.

Ta sagesse & ta bonne amitié avaient trop bien pesé ce partage pour que nous ayons pu lui en substituer un différent.

Ta lettre commerciale reçue hier nous a au moment où M. Say quittait la raffinerie nous a tous stupéfaits nous n’avons pas encore eu grand temps pour en causer ensemble mais je crois que M. Say écrira demain une lettre que tu recevras en même temps que celle-ci.


Notes

  1. Louis Say.
  2. Sur les rives de la Seine, le couvent des Bonshommes accueille successivement une tannerie, une manufacture (Liéwin Bauwens), un moulin à farine (Casimir Perier), enfin une raffinerie : celle des frères Perier entre 1834 et 1864.
  3. Constant Say.
  4. Louis Daniel Constant Duméril, l’auteur de la lettre, né en 1808 fait allusion aux fils de Louis Say : Gustave (1811), Achille (1812), Constant (1816), Adolphe (1818), Louis Octave (1820). Notons que quatre deviendront raffineurs.
  5. Alphonsine Delaroche, sœur de Michel, épouse d’André Marie Constant Duméril.
  6. Auguste Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original. Il s’agit peut-être d’un brouillon car la feuille, raturée, ne porte pas de signature ni de formule finale.

Pour citer cette page

« Dimanche 22 décembre 1833. Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Paris) à son oncle Michel Delaroche (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_22_d%C3%A9cembre_1833&oldid=42625 (accédée le 2 mai 2024).

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