Dimanche 21 décembre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Paris le 21 10bre 1873[1]

Mon cher Papa,

Nous revenons de Conflans ou nous avons été voir nos petites amies Berger[2]. Malheureusement on ne nous a pas permis de voir Hélène. Par contre nous avons passé une bonne heure avec Marie qui nous a dit que sa sœur avait beaucoup souffert mais que maintenant elle allait bien. La pauvre petite a eu trois abcès dans la bouche et on a même cru un instant que l'un d'eux perce en dehors ; heureusement il n'en est rien, maintenant elle désenfle, mange de nouveau et quoique s'ennuyant beaucoup à l'infirmerie elle rit beaucoup avec la sœur qui la soigne et qui est très gaie paraît-il. Marie était ravie car elles attendent leurs parents[3] pour le 1er Janvier ce sur quoi elles ne comptaient pas ; cependant Marie m'a dit, qu'elle pensait bien que sa maman ne pourrait pas rester un an sans les voir.

Comme tu deviens débauché mon petit papa chéri ! Te voilà qui va dîner en ville ! Le récit de ton repas nous a bien amusées Emilie[4] et moi.

Pendant que j'y pense je vais te répondre au sujet des rideaux de soie et de velours. Tante[5] croit qu'il est bien préférable de les retirer il faudrait qu'on fit bien attention de ne rien poser sur ceux de velours afin de ne pas les marquer mais comme il y a beaucoup d'armoires ce ne sera pas difficile.

<Bon> père chéri tu serais bien aimable de nous apporter un des livres du magasin d'éducation relié ainsi que si tu en trouves quelques numéros pas reliés je te prierais de les prendre également car nous en avons beaucoup et nous voudrions les donner au relieur avec un modèle.

Samedi nous avons fait pas mal de courses. D'abord nous avons pris l'omnibus et avons été au grand magasin de joujoux de la rue de Rivoli, voir si nous trouvions un âne pour le petit Brouardel[6], un joujou de tricot pour ma filleule[7] et un jeu quelconque pour les petits Clavery[8], mais toutes nos recherches ont été inutiles. Nous avons ensuite été au Louvre[9] où nous avons commandé un petit manteau pour ma petite Louise Soleil il sera très gentil blanc et bleu.

Si bonne-maman[10] l'écrit à Besançon, en secret, je ne lui en voudrai pas de son indiscrétion, car je tremble que tante Eugénie[11] ne l'achète.

En sortant de cet immense magasin, nous avons été dans une autre boutique de jouets ; mais n'avons pas mieux réussi.

Puis au pauvre Diable[12] acheter une robe pour Cécile[13] & mille choses de jour de l'an. En en sortant nous étions un peu fatiguées, aussi avons-nous pris une voiture et sommes luxueusement rentrées dans notre petite république.

Aujourd'hui nous avons déjeuné avec bonne-maman[14] qui est venue avec nous au Sacré-Cœur car toujours dans notre paresse nous y avons été en voiture.

En ce moment ma sœur se dépêche de copier son analyse car le catéchisme est demain, vu la fête de Noël qui tombe le Jeudi.

Adieu, mon petit papa, à bientôt j'espère ; Emilie et moi nous t'embrassons bien fort. Oncle et tante[15] t'envoient toutes leurs amitiés.

ta petite fille

Marie Mertzdorff

Nous comptons bien que ta prochaine nous fixera le jour de ton arrivée.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Marie et Hélène Berger sont en pension à Conflans.
  3. Louis Berger et son épouse Joséphine André.
  4. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  6. Probablement Georges Brouardel.
  7. Louise Soleil.
  8. Edouard, Pauline, Amédée et Berthe Clavery.
  9. Les Grands Magasins du Louvre.
  10. Félicité Duméril, épouse de louis Daniel Constant Duméril.
  11. Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril, grand-mère de Louise Soleil.
  12. C’est un commis du magasin Au Pauvre Diable qui fonde en 1855 les Grands Magasins du Louvre.
  13. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  14. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  15. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 21 décembre 1873. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_21_d%C3%A9cembre_1873&oldid=39499 (accédée le 2 mai 2024).

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