Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Les Lecques)
29, RUE DE SEVRES. VIE[1]
18 Avril
Mon cher Louis,
J'ai été bien contente de recevoir ta lettre ce matin, car je ne savais plus où te prendre, où t'envoyer de l'argent et du linge, car je pensais bien que tu manquerais de celui-ci comme de celui-là puisque j'avais reçu ton envoi de Guérigny.
J'approuve pleinement les dispositions que tu prends pour te rapprocher d'un philosophe émérite[2] et travailler dans un petit coin tranquille et sain à proximité de conseils éclairés. Il me semble que ton papa[3], assez inquiet au point de vue de ton travail de la prolongation de ta vie nomade, approuvera comme moi ta villégiature aux Lecques, villégiature studieuse et copieusement aérée, en bonne et agréable compagnie.
Je n'ai pas pu communiquer à ton papa ta lettre arrivée ce matin, parce qu'il est parti hier soir pour aller voir Guy[4] à Besançon avant que celui-ci parte avec une compagnie de ravitaillement d'artillerie lourde. C'est décidé et cela se fera bientôt. Peut-être ton papa essaiera-t-il de gagner de là Vieux-Thann... il a emporté son uniforme à cet effet, mais je doute que la permission d'aller en Alsace s'obtienne bien facilement. Enfin il est toujours bon d'essayer.
Nous pensons aller à la fin de la semaine à Brunehautpré pour y passer une dizaine de jours ; je voudrais y rester jusqu'au 2, jour de la 1re Communion. Anne Marie[5] nous rappellera peut-être un peu plus tôt, si la date de sa première communion qui avait été remise au 6 était avancée par suite de circonstances trop longues à t'expliquer.
Notre pauvre Jacques[6] est parti Jeudi bien triste, mais bien courageux
Lundi 19. et ce matin nous recevons une lettre d’Henri[7] qui a vu Jacques Vendredi et passé sa soirée avec lui ce qui leur a semblé bien lourd à tous les deux... Jacques partait le lendemain pour une petite localité belge entre Ypres et Poperinghe. Il doit être bien près de la ligne de feu et il y est peut-être même aujourd'hui. Henri a enfin satisfaction et s'attend à partir incessamment pour Beauvais. J'espère bien qu'il y restera assez pour que Lucie[8] puisse aller l'y voir et peut-être lui mener les enfants ?
Je t'envoie 300 F par mandat carte cela ira peut être plus vite qu'une lettre chargée.
Je t'écris de mon lit sans avoir des raisons plus graves que d'ordinaire pour m'y trouver ; cela t'explique ma si mauvaise écriture. Je t'embrasse tendrement, mon cher enfant et je jouis du fond de mon lit des beautés qui m'ont enchantées l'an dernier ; je les revois par tes yeux.
EM
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ À titre d'hypothèse : auprès du linguiste et philologue Jean Psichari (1854-1929) ?
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Guy Colmet Daâge, beau-frère de Louis.
- ↑ Anne Marie Degroote.
- ↑ Jacques Froissart, frère de louis.
- ↑ Henri Degroote, beau-frère de Louis.
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote, et mère de Anne Marie, Suzanne, Georges et Geneviève Degroote.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 18 et lundi 19 avril 1915. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Les Lecques) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_18_et_lundi_19_avril_1915&oldid=53604 (accédée le 18 décembre 2024).
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