Dimanche 10 novembre 1799, 19 brumaire an 8

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)


Original de la lettre 1799-11-10.jpg


n° 121

19 Brumaire

Vous êtes très probablement impatients de nouvelles. J'ignore si celles que je vous adresse vous parviendront, je risque. Il est huit heures du matin, je ne suis pas encore sorti et n'ai vu personne c'est pourquoi je ne terminerai ma lettre que quand j'aurai vu les gazettes. Hier à 9 heures du matin seulement on a eu le bruit de la révolution[1]. vous verrez par la pièce ci-jointe ce qui est arrivé. On n'y conçoit rien. On dit que Barras a donné sa démission, quelqu'un qui l'a lu y a remarqué une pensée analogue à celle-ci : je suis flatté de voir le sort de la République entre les mains d'un homme que je lui ai fait connaître. On dit Sieyès et Roger d'accord. Moulin et Gohier aux arrêts chez eux. C'est la commission des inspecteurs qui gouverne. Les deux directeurs en bonne odeur y ont passé hier partie de la journée. ainsi que les ministres. Lindet y a reçu sa destitution. Fouché de Nantes parait être un des meneurs. Il y a eu ordre aux commissaires de la trésorerie de faire toute espèce de négociation pour obtenir 600 000ll. Deux cent mille ont été payées à midi et deux autres à trois heures. Les barrières ont été fermées pour tout le monde. Il fallait un ordre de Fouché ou de Bonaparte. J'ignore si cela dure. On débite d'autres nouvelles plus vagues, je m'arrête.

Duméril[2] a obtenu aux référés une remise à 15 jours. Ce jugement lui donne beaucoup d'espoir et lui fournit le moyen de prolonger beaucoup, à ce qu'il pense.


Notes

  1. La politique de salut public menée depuis l’été 1799 inquiète. Le général Bonaparte de retour d’Egypte depuis octobre, les Directeurs Sieyès et Roger Ducos et d’autres partisans d’un mouvement révisionniste préparent un coup d’Etat. Le 18 brumaire, alléguant une conspiration jacobine, le Anciens votent le transfert des Conseils à Saint-Cloud et nomment Bonaparte commandant des troupes de Paris. Barras démissionne et les deux Directeurs récalcitrants (Jean François Moulin et Louis Gohier) sont enfermés au Luxembourg. Le 19 brumaire, à Saint-Cloud, la violente opposition des Cinq-Cents est matée par les grenadiers qui expulsent les députés et le Directoire est remplacé par trois Consuls : Sieyès, Roger Ducos et Bonaparte.
  2. Jean Charles Antoine dit Duméril, frère d’André Marie Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 72-73). A cette lettre étaient jointes des coupures de presse.

Annexe

Au citoyen Duméril

juge au tribunal civil du Département de la Somme

à Amiens

Pour citer cette page

« Dimanche 10 novembre 1799, 19 brumaire an 8. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_novembre_1799,_19_brumaire_an_8&oldid=39293 (accédée le 23 avril 2024).

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