1866-1867 – Un moment dans la réalisation de l’unité italienne et de l’unité allemande

De Une correspondance familiale

Malgré les déclarations de Napoléon III ; « L’Empire, c’est la paix » (Bordeaux, 9 octobre 1852), le Second Empire est une période de guerres. Dans les lettres antérieures à 1866, seule la guerre d’Italie contre l’Autriche est évoquée par quelques allusions (lettres du 31 mars et du 13 juillet 1859). Dans les lettres de 1866, les événements qui marquent la construction de l’unité italienne, et celle de l’unité allemande dont le processus lui est lié, sont plus présents.

L’unité italienne    

L’unité italienne, après l’échec de 1848, se réalise autour de Cavour, représentant de la bourgeoisie libérale piémontaise, qui rallie à ses projets républicains et démocrates de la péninsule.

La Paix de Zurich (novembre 1859), qui marque la fin des hostilités entre les Franco-Piémontais et les Autrichiens, donne la Lombardie au Piémont mais laisse la Vénétie à l’Autriche. Cavour poursuit l’unification de l’Italie par l’annexion des duchés de l’Italie centrale, de la Romagne pontificale et du royaume de Naples : le royaume d’Italie est proclamé en mars 1861. Un traité d'alliance offensive et défensive est signé entre l’Italie et la Prusse (8 avril 1866). Cette situation lourde de menaces trouve un écho dans la lettre de Charles Mertzdorff du 8 mai 1866. Si les Prussiens sont vainqueurs à Sadowa (3 juillet 1866), les Italiens sont battus par les Autrichiens. La Prusse traite sans eux avec l’Autriche et, par la médiation française, la Vénétie est annexée au royaume d’Italie (octobre 1866).

Mais Rome, que les Italiens voudraient pour capitale, reste au pape et les catholiques français pressent Napoléon III de soutenir celui-ci. Après une décision impériale (30 janvier 1866) la légion romaine est constituée à Antibes, en avril 1866. Quelques jours après, sur la proposition du ministre de la guerre Jacques César Randon[1], les possibilités d’engagement sont étendues et un millier de militaires viennent compléter les effectifs de cette légion. Les troupes françaises évacuent Rome à la fin de l’année 1866 puis, redoutant l’avance de Garibaldi, réoccupent la ville (octobre 1867). Ces mouvements de troupe inquiètent (lettre du 1er novembre 1867). Il faut attendre le retrait du corps expéditionnaire français en septembre 1870 pour que Rome devienne la capitale du nouveau royaume italien.

L’unité allemande    

L’unité de l’Allemagne s’opère sous l’égide de la Prusse dont Otto von Bismarck, représentant de l’aristocratie terrienne, devient le chancelier en 1862. Bismarck commence par éliminer l’influence de l’Autriche sur les pays germaniques. L’affrontement a lieu à propos des duchés de Slesvig et de Holstein. Les Autrichiens écrasés à Sadowa (3 juillet 1866) signent la Paix de Prague qui donne les duchés à la Prusse et dissout la Confédération germanique. L’année suivante, après l’annexion des petits États du centre de l’Allemagne, Bismarck impose une Confédération de l’Allemagne du Nord, placée sous la présidence du roi de Prusse. Quel rôle joue alors la France ? Bismarck s'assure de la neutralité bienveillante de Napoléon III (rencontre de Biarritz en octobre 1865). La défaite de Sadowa (3 juillet 1866) a un fort écho en France et, au début de juillet 1866, l’on peut croire à une intervention française : la guerre paraît alors chaque jour plus certaine. Mais Napoléon III ne pose finalement aucune condition à Bismarck, qui poursuit ses projets. On peut voir dans la lettre de Charles Mertzdorff du 8 mai 1866 une allusion à l’autoritarisme et au volontarisme de Bismarck face à l’indécision de Napoléon III.

On perçoit également, dans cette lettre du 8 mai 1866, les critiques que Charles Mertzdorff adresse à la politique européenne menée par les puissants et l’empereur en particulier. En effet, le principe des nationalités, avancé partout dans la décennie 1860-1870, est lourd d’ambiguïtés et de contradictions car il est interprété de façons diverses. Le droit des peuples à se grouper en Etats et à suivre leurs aspirations nationales est compris soit comme la volonté des citoyens d’accepter les mêmes lois (c’est le cas en Italie), soit comme la soumission des hommes à une nationalité préexistante, basée sur des considérations ethniques, linguistiques ou historiques (c’est le cas de l’Allemagne autour de la Prusse). Napoléon III, lui, hésite entre ces deux définitions, et la politique française donne souvent l’impression d’être incohérente et incertaine, heurtant aussi bien les progressistes que les conservateurs.

Notes

  1. Jacques César Randon (1795-1871), ministre de la guerre de mai 1859 au 20 janvier 1867.


Pour citer cette page

« 1866-1867 – Un moment dans la réalisation de l’unité italienne et de l’unité allemande », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=1866-1867_%E2%80%93_Un_moment_dans_la_r%C3%A9alisation_de_l%E2%80%99unit%C3%A9_italienne_et_de_l%E2%80%99unit%C3%A9_allemande&oldid=31231 (accédée le 28 mars 2024).

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