Vendredi 7 janvier 1881
Lettre de Placidie Baril, veuve d’Ernest de Mallevoue (château du Grand-Bouchet dans le Loir-et-Cher) à Louis Villermé (Paris)
7 janvier 1881[1]
Comme vous avez bien fait, cher monsieur, de ne pas vous laisser aller à la mauvaise inspiration, qui vous portait à ne pas me donner de vos nouvelles ! J’en aurais d’ailleurs été fort attrapée ; car j’espérais bien qu’il me viendrait un petit souvenir de vous, et je vous assure, que si je suis heureuse, du mariage de mon fils[2], cela n’a point fermé, en rien, mon cœur aux bonnes et chères affections de mes amis. Et vous savez si la vôtre et celle de madame villermé[3] ne comptent pas dans mes meilleures.
Enfin, me voir installée au grand Bouchet depuis bientôt 3 semaines c’est un rude voyage, pour arriver là, 10 heures de voiture ! j’ai été un peu fatiguée ; car je me fais vieille et infirme et chaque année ajoute son poids sur celles qui l’ont précédée. Il m’a fallu, aussi, aller [ ], je mis une journée pour voir la famille Follie. ma future petite belle-fille n’est pas grande, tant s’en faut, mais elle est agréable et parfaitement élevée, ce qui est assez rare, dans le temps où nous vivons, et pour une fille unique, dans le peu de temps que je l’ai vue, je [lui ai reconnu] toutes les qualités de raison de jugement d’esprit et d’intelligence, qui peuvent assurer le bonheur d’un honnête homme, ils ont l’air de se plaire et convenir fort, tous deux. C’est une satisfaction bien grande, pour moi, qu’il en soit ainsi. Les parents[4] me paraissent bons et excellents. Le colonel est celui, dans le ménage, qui semble le plus faible, pour supporter la séparation. Sa femme est tout courage et énergie. C’est une personne de valeur, et de grand dévouement.
Le mariage se fera, je pense, le 17 février.
Vous, mon cher monsieur, qui êtes par nature, porté à voir les choses en beau, savez-vous que votre manière de voir d’aujourd’hui me fait peur ; car si vous êtes effrayé de l’avenir de la France, il faut qu’elle soit bien malade. Enfin, nous avons été tant de fois dans des positions si désespérées et nous nous en sommes tirés, qu’on pense qu’il en sera toujours ainsi, c’est une grâce du bon Dieu, que cet espoir ; car sans cela que serait la vie !
Je ne veux point terminer cette causerie, monsieur et bien bon ami, sans vous offrir, ainsi qu’à votre bonne et aimable femme, tous mes souhaits pour 1881, qu’elle vous soit douce, cette année et que rien ne vienne troubler le calme et le bonheur dont vous jouissez, recevez, cher monsieur, l’assurance de ma bien sincère affection.
P. de Mallevoue
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vendredi 7 janvier 1881. Lettre de Placidie Baril, veuve d’Ernest de Mallevoue (château du Grand-Bouchet dans le Loir-et-Cher) à Louis Villermé (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_7_janvier_1881&oldid=36086 (accédée le 15 novembre 2024).
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