Vendredi 21 juin 1918 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1918-06-21B pages 1-4.jpg original de la lettre 1918-06-21B pages 2-3.jpg


21 Juin 18

Je suis heureuse, mon cher petit, de savoir que ces petits rubans vont rehausser l’élégance des tenues que ton camarade va t’apporter, d’autant plus heureuse que ta citation, j’en suis sûre, est très méritée quoi que tu en dises, et qu’elle ne remplace pas, mais précède celle que tu dis avoir mieux méritée dans la Somme. On a beau avoir un mobile plus noble et un but plus élevé que ces petites distinctions qui se voient de loin, elles font tout de même plaisir, un peu à celui qui les gagne, plus encore aux parents. C’est gentil tout de même d’avoir tant de fils décorés et je me sens très fière d’eux, non seulement de leurs croix, mais de les voir si fidèles à leur devoir et si calmes en toute circonstance.

Ce que tu me dis de ton endurance physique me fait bien autant de plaisir que la croix de guerre, car j’espère bien que tu es définitivement fort et cela t’accompagnera dans la vie plus avantageusement encore que le petit ruban.

La barrette te servira à porter la croix, j’y ai joint du fil pour faire de petites brides dans lesquelles tu l’enfileras. Le petit tube en ruban ne te servira sans doute pas maintenant. Es-tu suffisamment monté comme cela ?

Nous sommes toujours bien inquiets de Maurice V.[1] dont on est sans nouvelles depuis le 9. Son frère[2] est ici ce soir, il vient d’achever ses examens et espère les avoir bien réussis. Il va aller passer à Paramé une permission de 7 jours. Puisse-t-il y arriver en même temps que de bonnes nouvelles de Maurice ! Elise[3] a su qu’il était à Lassigny.

J’ai été hier déjeuner à Ecuelles avec Mme Peignot, Madé et Colette[4]. Michel[5] nous a écrit qu’il arrivait dans la région de l’Isle-Adam pour reposer et réparer son matériel. Je pense qu’il saura s’arranger pour voir ici, ou là-bas, ou ailleurs tous ceux qu’il désire voir. Nous attendons tous ses instructions. Jacques[6] avait espéré aller chercher un nouveau matériel à Versailles, mais c’est plutôt à Dijon qu’on l’enverra. C’est dommage. Je t’embrasse tendrement jeune héros, sur les deux joues rouges que j’aimerais bien à revoir avec tout le reste de l’individu mais quand ?...

Emy

Ton papa[7] t’a dit l’heureux dénouement de l’histoire de la maison de Bordeaux[8].


Notes

  1. Maurice Vandame († 9 juin 1918 à Élincourt, près de Lassigny, dans l’Oise), sous-lieutenant au 9e régiment de cuirassiers.
  2. Possiblement René Vandame.
  3. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  4. Suzanne Chardon, veuve de Georges Peignot et ses filles Madeleine et Colette Peignot.
  5. Michel Froissart, frère de Louis, et fiancé de Madeleine Peignot.
  6. Jacques Froissart, frère de Louis.
  7. Damas Froissart.
  8. Recherche (à rebondissements) d’une maison à louer.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 21 juin 1918 (B). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_21_juin_1918_(B)&oldid=53835 (accédée le 27 avril 2024).

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