Samedi 12 juin (puis vers le 30) 1858

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril (Paris puis Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)


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Si je ne me trouvais pas dans des circonstances aussi atténuantes, ma petite Isabelle, j'oserais à peine venir implorer mon pardon pour ce silence <indéfini> dont je ne suis pas grandement coupable car si tu savais que de choses à faire avant un mariage ! c'est un vrai casse-tête et je voudrais bien être plus vieille et sauter à pieds joints par dessus toutes les cérémonies qui m'attendent encore.

Hier nous avons signé le contrat, Lundi[1] à 3 heures nous nous marions à la mairie ; Mardi matin, (à midi) le mariage à l'église, à 5 h. dîner de 40 personnes[2], chez bon-papa[3], à 11 h. moins 1/4 nous partons pour Fontainebleau ; Vendredi matin nous revenons à Paris ; à 8 h. moins 1/4 nous partons avec toute la famille Mertzdorff pour l'Alsace ; nous arrivons à Strasbourg à 7 h. du matin ; nous en repartons à midi ; nous arrivons à 5 h. au vieux-Thann où tous les ouvriers en habits de Dimanche nous attendent rangés en haie ; nous descendons de voiture et allons au milieu d'eux ; arcs de triomphe, coups de canon, etc. petit discours de M. Mertzdorff[4] en allemand ; quelques mots de Mme Mertzdorff[5] en français ; double paie, le soir grand bal, le lendemain dîner de 40 couverts avec tous les contre-maîtres etc. Que dis-tu de ce programme et de cette vie ? Joins à cela que ma belle-mère[6] et ma belle-sœur[7] sont ici depuis quelques jours que demain nous dînons à l'hôtel du Louvre, le soir au spectacle ; dans la journée j'ai 5 à 6 rendez-vous ; Dimanche tous les Mertzdorff dînent ici Lundi, les Mertzdorff de Thann, les témoins et les Fröhlich !...

J'ai reçu de fort beaux cadeaux, M. Mertzdorff m'a donné de superbes dentelles, toute une parure noire, une garniture blanche pour corsage ; un très beau châle, une montre, un livre de prières, une ombrelle blanche, une voilette délicieuse, un magnifique mouchoir, un bracelet en aluminium, que sais-je moi ? une bague avec un diamant etc. ! Ma belle-mère m'a donné une broche avec des diamants. J'ai reçu un magnifique bracelet, une cafetière en argent, une table à ouvrage en bois de rose, un dessus de pendule en bronze

(dernière lettre de Caroline Duméril)

Je t'envoie ce griffonnage afin que tu voies bien que j'ai pensé à toi ma petite Isabelle, d'ailleurs ce programme fait à l'avance est assez curieux en ce qu'il a été fidèlement suivi.

Voilà 18 jours que cette lettre a été commencée, que de choses en si peu de temps ! Ce M. Mertzdorff dont je parle est maintenant mon mari et mon cher mari ; me voilà acclimatée dans cette Alsace à laquelle je ne pensais que comme dans un rêve ; me voilà mariée ; voilà que je commence la vie sérieuse et la grande tâche dans ce monde ; Dieu veuille que je sache m'en tirer le mieux possible et que je remplisse en femme chrétienne les devoirs qui me seront imposés. La vie se présente pourtant bien belle devant moi ; auprès d'un mari qui a toute mon affection, d'une belle-mère aussi bonne ; dans une position sociale si belle sous tous les rapports, si honorable d'après la manière dont Charles est posé dans le pays, tout cela est magnifique et je ne pourrai assez remercier Dieu qui m'a envoyé ces grâces.

Pourtant si j'ai le cœur si rempli d'une grande affection, sois bien sûre ma petite Isabelle qu'il en reste une grande part pour ceux que j'aimais avant mon mariage et que j'aime peut-être plus encore, je crois qu'il y a des circonstances dans la vie où le cœur s'agrandit et devient de plus en plus chaud.


Notes

  1. Lundi 14 juin 1858.
  2. Voir la liste des invités au repas.
  3. André Marie Constant Duméril.
  4. Charles Mertzdorff.
  5. Caroline se désigne elle-même.
  6. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Merztdorff, mère de Charles.
  7. Emilie Mertzdorff, veuve de Prosper Leclerc.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 12 juin (puis vers le 30) 1858. Lettre de Caroline Duméril (Paris puis Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_12_juin_(puis_vers_le_30)_1858&oldid=35319 (accédée le 12 octobre 2024).

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