Mercredi 25 novembre 1857
Lettre de Caroline Duméril (écrite par Eugénie Desnoyers, Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)
De la chambre de Crol
25 Novembre 57
Ma chère Isabelle,
Ne t'effraye pas de ne pas reconnaître mon écriture, c'est ma troisième main qui t'écrit, les deux autres seraient bien incapables de tenir la plume. Veux-tu un portrait de la vieille Crol : Figure-la toi sur le dos depuis 9 jours, dans un mutisme complet ; (comme on est bien punie par où l'on pèche diraient certains cousins havrais[1] qui ont l'audace de trouver que j'ai la langue trop bien pendue) Donc, je suis muette à cause d'un vilain mal de gorge qui me fait extrêmement souffrir nuit et jour. J'ai eu quatre abcès successifs, maintenant j'ai encore le gosier bien pris, et les innombrables cataplasmes et sinapismes dont on m'accable, six sangsues aux pieds, un déluge de gargarismes et un manque total de nourriture rien n'y fait jusqu'à présent.
La faculté, représentée à mes côtés par bon-papa[2] et mon oncle[3], n'a jamais vu aucun danger à mon état et déclare qu'il ne faut plus maintenant que du temps, des gargarismes et des cataplasmes. Tu vois que l'avenir devient rose pour moi ! je fais presque une chose défendue en dictant ces quelques lignes.
Mais je voulais te remercier de ta bonne lettre qui m'a fait grand plaisir ; prends bien vite ta petite plume d'or et gratte-m'en comme tu dis quelques longues pages ; ce me serait une distraction fort agréable ; je compte sur ton bon cœur et ta verve.
Je ne réponds pas à tout ce que tu me dis d'amusant quoique l'histoire de la noyade m'ait bien fait rire.
La voix me manque, adieu, je t'embrasse ainsi que Matilde[4] que je remercie. Et n'oublie pas surtout, chère Isabelle de prendre vite une des feuilles de Georges[5] que j'admire (pas Georges).
Je profite de mon rôle de secrétaire, chère Mademoiselle pour vous assurer moi-même de toute ma sympathie, et vous prier de recevoir l'expression de mes sentiments affectueux.
Eugénie Desnoyers
X O excepté moi
Crol
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 25 novembre 1857. Lettre de Caroline Duméril (écrite par Eugénie Desnoyers, Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_25_novembre_1857&oldid=60890 (accédée le 22 décembre 2024).
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