Mercredi 1er février 1871 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa belle-sœur Eugénie Duméril après la mort de son époux Auguste Duméril (Paris)


livre de copies, vol. 2, p. 662 (lettre 1871-02-01B).jpg


Lettre de Constant Duméril[1]

Mercredi 1er Février 1871.

Ma chère sœur,

C’est par un journal de Lyon, qui m’est tombé, par hasard, sous la main, que nous avons appris la perte que nous avions faite, de notre cher Auguste[2]. Depuis, nous avons eu la confirmation, par deux lettres de Mme Desnoyers[3] à sa fille[4]. Il nous a été bien pénible de ne pas pouvoir vous écrire de suite : on aurait tant besoin de communiquer ensemble, dans de si tristes moments. Félicité[5] aurait eu tant d’envie de vous aller trouver, toi et Adèle[6], mais il fallait tout garder en soi-même, et se résigner.

Avec quelle impatience nous attendons maintenant de vos nouvelles à tous ; combien nous avons pensé aux angoisses de ce pauvre Félix, séparé de toutes ses affections. Nous n’avons eu aucune communication avec lui, depuis le commencement de la guerre : il aura sans doute reçu une partie des lettres que sa femme lui envoyait, par chaque ballon, mais la pauvre Adèle n’aura sans doute reçu de lui aucune nouvelle, depuis qu’il a été forcé de se séparer de tous les siens.

Eugénie[7] est admirable de résignation, au milieu de sa douleur, de la perte de son frère Julien[8], et de ses angoisses pour le reste de sa famille. Sa pitié lui est venue en aide. Tous les travaux qu’elle a faits pour les prisonniers, pour les blessés, lui ont donné une occupation forcée, qui lui a été fort salutaire. Voilà environ trois semaines que nous n’avons vu toute la famille : nous les attendons ici après demain, tous les quatre[9].

Qu’êtes-vous devenus tous, habitants du Jardin, pendant cet affreux bombardement, dont votre quartier a été si éprouvé ? Avez-vous déménagé ? Nous l’espérons bien, et nous avons bien besoin maintenant de recevoir de vos nouvelles, et d’être tranquillisés sur votre sort, à tous.

Léon[10] est encore dans un camp, et n’a pas encore participé aux faits de guerre : voilà tout ce que je peux vous dire, à son égard.

On ne peut parler aujourd’hui que du présent : que nous réserve l’avenir. Dieu seul le sait.

Ecrivez-nous, voilà ce que nous ne pouvons trop vous répéter : c’est ce dont nous avons le plus besoin.

Ton frère affectionné

C. Duméril.


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Auguste Duméril.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril et sœur d’Eugénie Duméril.
  6. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil et fille d’Eugénie et Auguste Duméril.
  7. Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
  8. Julien Desnoyers, décédé le 6 janvier.
  9. Eugénie Desnoyers, son époux Charles Mertzdorff, Marie et Emilie Mertzdorff.
  10. Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril 2me volume (pages 660-662)

Pour citer cette page

« Mercredi 1er février 1871 (B). Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa belle-sœur Eugénie Duméril après la mort de son époux Auguste Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_1er_f%C3%A9vrier_1871_(B)&oldid=34999 (accédée le 29 mars 2024).

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