Mercredi 16 mars 1842

De Une correspondance familiale

Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à ses oncle et tante Auguste Duméril l’aîné et Alexandrine Cumont (Lille)

lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 107.jpg lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 108.jpg lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 109.jpg lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 110.jpg lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 111.jpg lettre du 16 mars 1842, recopiée livre 6, page 112.jpg


D’André Auguste Duméril

Paris le 16 Mars 1842.

Mon cher oncle et ma chère tante,

Je m’empresse de venir vous exprimer tout le bonheur que m’a causé la lettre que j’ai reçue hier, et dans laquelle je trouve des témoignages d’affection dont je voudrais savoir vous remercier de façon à vous bien faire comprendre combien ils me sont précieux. Pénétré, comme je le suis, que la félicité la plus parfaite est réservée à celui qui verra sa destinée unie à celle de votre charmante fille Eugénie, c’est avec la joie la plus vive que j’ai reçu de vous la promesse de pouvoir obtenir sa main, dès que ma position me permettra de pouvoir réaliser ce projet d’union. Veuillez bien être mes interprètes auprès d’elle, pour lui dire combien m’est douce la perspective de lui appartenir un jour. Je vous ai déjà parlé du haut prix que j’attacherai au droit de me nommer votre gendre, recevez-en la nouvelle assurance, avec l’expression bien sincère de tous mes remerciements, pour avoir bien voulu agréer ma demande. Je vous en dois également, et de non moins profondément sentis, pour le sacrifice que vous consentez à vous imposer, en me permettant de songer à éloigner de vous une fille que vous aimez si tendrement, et qui vous rend si bien affection pour affection, et j’éprouve, je dois le dire, une certaine fierté à me sentir si bien noté dans votre estime, en vous voyant ne placer qu’au second rang la question d’argent. Mais, en raison de cela même, je le sens parfaitement, je dois m’efforcer de m’en rendre vraiment digne, en travaillant de manière à me faire une position assurée : j’y serai d’ailleurs fortement excité par cette idée que c’est alors que je pourrai songer à me marier. Je vous enverrai très prochainement l’espèce de tableau que je me suis fait, et dont vous parlait Constant[1] dans sa lettre ; des résultats auxquels peut m’amener la carrière des sciences. Vous y verrez comment, sans avoir aucune place précise en vue, il pourrait cependant arriver telles circonstances qui, d’ici à un an, peut-être, me permettraient d’obtenir la main d’Eugénie. Vous y verrez, en outre, comment, si je puis avoir quelques succès, je puis espérer, en suivant cette carrière, où le nom si honoré de mon père[2] me servira d’égide, d’arriver, par la suite, à une position, sinon brillante sous le rapport de la fortune, du moins, très honorable et satisfaisante. Mes parents, qui, ainsi que je vous l’ai écrit, m’ont donné leur entier consentement, pour vous adresser la demande que je vous ai faite, et qui soit pour moi le gage du bonheur assuré, dans les qualités précieuses de ma cousine, se font par avance une représentation pleine de charmes de l’animation qu’amènera dans notre maison leur belle-fille, et des jouissances que leur procurera sa société, sous tous les rapports. Mon attachement pour eux qui m’impose la douce obligation de ne pas songer à une séparation, l’avantage, à mes yeux, pour un jeune ménage, peu opulent, de cette vie commune, dans une très agréable habitation, où tout le second étage deviendrait, à volonté, un logement distinct, sous tous les rapports, à l’exception d’une cuisine ; la bonté si parfaite de mon père et de ma mère[3], celle d’Eugénie, la justesse exquise de son esprit, et la distinction de ses sentiments, qui lui feraient certainement apprécier ce contact habituel : tant de motifs réunis, me semblent être garants des heureuses conséquences de ce genre de vie.

Dans sa nouvelle famille, ma cousine trouvera comme cela doit être, une liberté illimitée pour l’observance de ses habitudes religieuses ; quant aux enfants qui pourraient nous être accordés, je sens trop l’avantage qu’il y aura pour eux à être élevés dans la religion de leur mère, pour que moi, ni les miens, fassions des objections à ce désir bien naturel.

Maintenant, mon cher oncle et ma chère tante, j’ai encore une demande à vous faire, ce serait d’obtenir de vous la permission d’aller passer 3 ou 4 jours à Lille, pendant les fêtes de Pâques. Je serai alors docteur, car je soutiens mardi prochain ma thèse : la composition de cette dissertation a été un travail fort long, que j’ai fait consciencieusement, et il me serait, je crois, facile de m’absenter pendant quelques jours. Ce serait pour moi une grande satisfaction que de pouvoir causer avec vous et avec Eugénie, sur tout ce qui se rattache à ce projet, qui me rend si heureux. Je m’en rapporterai complètement à vous, sur l’opportunité de ce petit séjour à Lille, et, au cas où vous n’y verriez pas d’obstacle, vous décideriez si je devrais descendre sous votre toit ou à l’hôtel (je parle de cette époque-ci, parce qu’à partir du 15 Avril jusqu’au mois d’Août, il me sera impossible, à cause du cours de M. Fl[4] de quitter Paris) : ici, ma petite absence s’expliquerait par une visite à Arras[5]. Je comprends parfaitement que vous pensiez que je ne doive pas, quant à présent, entretenir avec ma cousine une correspondance directe, malgré tout l’intérêt que j’y aurais trouvé, mais j’apprécierais beaucoup l’avantage d’avoir avec elle des communications indirectes, et l’un des moyens que j’emploierai pour arriver à ce but, sera de m’adresser à vous, de temps en temps ; j’y trouverai l’avantage de pouvoir vous renouveler, comme je le fais aujourd’hui, l’assurance de mon vif attachement et de ma respectueuse affection.

Votre dévoué neveu

Je prie ma chère cousine de vouloir bien recevoir mes sincères amitiés.


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
  2. André Marie Constant Duméril.
  3. Alphonsine Delaroche.
  4. Pierre Flourens, professeur au Muséum.
  5. Charles Auguste Duméril, cousin d’Auguste, réside à Arras.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, « Lettres relatives à notre mariage », p. 107-112

Pour citer cette page

« Mercredi 16 mars 1842. Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à ses oncle et tante Auguste Duméril l’aîné et Alexandrine Cumont (Lille) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_16_mars_1842&oldid=61429 (accédée le 15 novembre 2024).

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